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L’autorisation environnementale sur le projet de liaison autoroutière Toulouse-Castres serait-elle une simple formalité ?!!!




Le 11 janvier dernier, l’enquête publique unique relative à l’autorisation environnementale pour la liaison autoroutière Toulouse-Castres se terminait. A l’heure où ces lignes sont écrites, cette autorisation n’est pas encore délivrée, mais la commission d’enquête a rendu un avis plus que surprenant.

Le contexte juridique

L’autorisation environnementale requise concerne à la fois l’élargissement à deux fois deux voies de l’A680 entre Castelmaurou et Verfeil (9 km) et la création d’une liaison à deux fois deux voies entre Verfeil et Castres (53 km), dite A69.
L’autorisation environnementale demandée englobe différentes autorisations requises par le code de l’environnement pour ce type de travaux, à savoir notamment : 
1) la dérogation à la réglementation au titre des habitats et espèces protégées,
2) l’autorisation au titre des « installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique »,
3) l’autorisation de défrichement.
Quant aux déclarations d’utilité publique (D.U.P.), nécessaires aux expropriations, elles ont déjà été actées par décret du 19 juillet 2018 pour la création de l’A69 et par arrêté préfectoral prorogé le 5 octobre 2022 pour l’élargissement de l’A680.

Un dossier insuffisant

Les Amis de la Terre ont bien sûr produit un avis défavorable sur le projet, pointant non seulement l’aberration que consiste la création d’une nouvelle liaison autoroutière compte tenu de la trajectoire que prend le dérèglement climatique et l’érosion gravissime de la biodiversité, mais également des aberrations dans l’aberration. En effet les avis des différents services ou instances consultés en amont de l’enquête (Autorité Environnementale – dite « AE » instance relevant du ministère de l’environnement -, Office Français de la Biodiversité, Conseil National de Protection de la Nature, etc.) mettent en évidence de grosses lacunes du dossier dans le diagnostic environnemental, dans la démarche d’évitement et de réduction des impacts, ainsi que dans la validité des mesures de compensation proposées.
Nous avons également soulevé un manque de clarté des cartes de synthèse des enjeux environnementaux, ce qui est de nature à nuire à une bonne information du public et alerté sur la part de mythe (et de désillusions potentielles) inhérente à tout « désenclavement ».

Avis favorable de la commission d’enquête

Malgré les avis très critiques des organismes et instances citées ci-dessus, la commission d’enquête a rendu un avis favorable. N’aurait-elle pas été convaincue par leurs observations ainsi que celles, très étayées, d’autres acteurs allant dans le même sens ? La position des commissaires enquêteurs est extrêmement surprenante. Après s’être demandés s’il fallait « reconsidérer toute l’étude d’impact actualisée y compris la mise en balance avec les solutions alternatives, notamment l’aménagement de la RN126 », d’autant que « le CNPN et l’AE ont considéré qu’ils pouvaient, dans leurs avis, revenir sur la solution alternative d’un aménagement de la RN126 qu’elles estiment plus pertinent au regard des enjeux environnementaux », ils ont choisi d’interroger la préfecture du Tarn qui a estimé que « la DUP étant acquise, seuls les impacts de la solution autoroutière entraient dans le champ des autorisations environ-nementales objets de la présente enquête » et de se ranger à cette assertion du préfet : « On n’en est plus à savoir si on fait une autoroute mais comment on la fait » !

Le code de l’environnement oublié !

Outre que la commission d’enquête devrait déterminer en toute impartialité ce qui rentre dans l’objet de l’enquête, cette « interprétation » omet deux aspects essentiels du droit de l’environnement.
Tout d’abord, l’obtention d’une autorisation environnementale est conditionnée au respect de la séquence dite « ERC », à savoir « éviter-réduire-compenser », étant précisé que s’applique une règle de priorité entre ces trois objectifs ; la compensation est une option de dernier recours s’il est impossible de d’éviter ou réduire les impacts et la réduction est elle-même une solution par défaut s’il est démontré que les impacts ne peuvent être évités. Or comme l’a souligné par exemple l’AE, l’analyse des variantes se borne à considérer le seul mode routier et évacue trop vite l’alternative de l’aménagement de la RN 126 (la route nationale existante). Appliquer réellement la séquence ERC suppose donc l’étude de scénarios alternatifs, qui est insuffisante en l’occurrence, et cette analyse peut en effet déboucher sur l’abandon du projet initial.
De plus, conformément aux articles L411-1 et L411-2 du code de l’environnement, la destruction, l’altération ou la dégradation d’habitats naturels protégés ou d’habitats d’espèces protégées sont interdits sauf dans des cas (très) limitativement énumérés. Concernant un projet d’autoroute, seule une « Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur » peut justifier l’atteinte aux habitats ou espèces protégées. Pour le CNPN, les arguments avancés pour justifier une Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur (RIIPM) sont insuffisants, notamment ceux affirmant que le projet améliorerait l’attractivité du territoire desservi et qu’il réduirait l’accidentologie. Bien que la notion de « RIIPM » renvoie à une exigence sur l’opportunité plus forte encore que la simple notion d’« utilité publique », cela n’a pas empêché la commission d’enquête de considérer que la question de l’opportunité de construire une telle infrastructure n’était pas de son ressort !!!

Elle constate toutefois que l’intérêt économique du projet n’est pas démontré et conclut ainsi la partie consacrée aux observations dites « hors-sujet » (p.132) : « la commission comprend les interrogations des opposants sur le choix du projet autoroutier dont elle partage nombre d’arguments ».

Cette autorisation, si elle était accordée, serait donc très fragile juridiquement et un recours aurait de grandes chances d’aboutir. Tout espoir n’est pas perdu !


Publié le mercredi 8 février 2023.