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L’accord de partenariat transatlantique : un traité à jeter à l’eau !




par Pauline Roy

« Quelque chose doit remplacer les gouvernements et le pouvoir privé me semble être l’entité adaptée pour le faire » déclarait David Rockfeller dans Newsweek en 1999. Tel est bien le dessein des grandes multinationales qui tentent de donner le coup de grâce de la perte de souveraineté des Etats au terme d’une longue guerre d’usure.

 L'Organisation Mondiale du Commerce et compagnie

Dans les années 90, l’hégémonie des Etats-Unis a débouché sur la constitution d’un nouvel ordre économique mondial. L’O.M.C., créée en 1995, a ainsi pour objet la diminution tous azimuts des barrières douanières et surtout -chose nouvelle- des barrières dites « non tarifaires ». Afin d’assurer la primauté de la « liberté du commerce » par rapport à toute règle nationale, aussi légitime soit-elle (protection de la santé, de l’environnement, notion de service public, etc.), l’OMC a été dotée d’une juridiction (l’Organe de Règlement des Différends) ayant le pouvoir de condamner les Etats à des sanctions commerciales lorsqu’il juge qu’un gouvernement membre de l’O.M.C viole un accord de l’OMC ou un engagement contracté dans le cadre de l’OMC. C’est ainsi que l’Union Européenne, attaquée conjointement par les Etats-Unis, le Canada et l’Argentine, a déjà déboursé des centaines de millions d’euros pour la clause de sauvegarde qui permet à un Etat membre d’interdire temporairement la culture d’un OGM si des preuves substantielles montrent qu’il présente un danger pour les personnes et pour l’environnement. Les Etats-Unis eux-mêmes en ont aussi parfois pour leur argent (condamnation pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins »).
L’année de la création de l’O.M.C. a vu également la signature de la déclaration transatlantique, qui a posé la première pierre de l’établissement de nouvelles relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Europe. Pour les préparer, les gouverne-ments états-uniens et européens ont demandé la constitution du « transatlantic business dialogue », qui n’est rien de moins qu’un groupe de pression représentant les multinationales et travaillant en étroite collaboration avec des fonctionnaires européens.
Enfin, c’est également à cette époque, entre 1995 et 1998, que se sont déroulées, au sein des pays de l’O.C.D.E., les négociations sur l’Accord Multilatéral d’Investissement (A.M.I.). Visant à la suppression des obstacles à la « liberté d’investir » à l’étranger, l’AMI prévoyait, pour faire respecter ce principe, quelque chose d’encore plus redoutable et illégitime que l’O.R.D : la possibilité pour les firmes s’estimant spoliées par des normes nationales gênant leurs investissements à l’étranger d’attaquer en leur nom les Etats devant des instances d’arbitrage privées.

 Un A.M.I. très collant

Face au tollé soulevé et à la réticence de certains responsables politiques (dont M. Jospin), l’A.M.I. n’a finalement pas été adopté. De plus, les fameux « cycles de l’O.M.C. », pataugent. A Doha et plus encore à Cancun, plusieurs grands pays, notamment les B.R.I.C.K.S. (Brésil, Chine, Afrique du Sud, Inde...) ont manifesté leur refus d’aller plus loin dans la suppression des obstacles au libre-échange. Mais chassez les multinationales, elles reviennent au galop ! A défaut de pouvoir imposer ce principe dans le cadre d’un large accord multilatéral, elles se sont infiltrées par la petite porte, ceci notamment par la signature d’accords bilatéraux de promotion et de protection des investissements. Ainsi, d’après le site « Public Citizen », en vertu de différents accords déjà signés par les Etats-Unis, on comptait en août 2013 déjà 400 millions de dollars versés par différents Etats aux multinaltionales américaines pour des raisons aussi diverses que l’interdiction de produits toxiques, l’encadrement de l’exploitation de l’eau, du sol, des bois, etc. Mais même au sein de l’Europe le principe existe, sachant que les pays membres de l’Union ont signé plus de 1200 accords bilatéraux d’investissement. C’est par exemple en vertu de l’un de ces accords qu’une entreprise suédoise de production d’électricité a attaqué l’Allemagne devant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI). Dans cette affaire, un accord amiable a finalement été conclu, impliquant manifestement un assouplissement par les pouvoirs publics allemands des règles encadrant l’utilisation et le déversement d’eau de refroidissement par les centrales électriques...

Ce type d’accord conduit donc au mieux à un racket légalisé, au pire à un abandon par les Etats de leur souveraineté.

 Le traité transatlantique : la tentative d'assaut final

Les multinationales tentent de franchir un pas supplémentaire avec des accords multilatéraux par « blocs de pays ».Tout comme son cousin transpacifique (qui concerne 12 pays et dont l’adoption, avortée en décembre 2013, est reportée à la fin du mois de janvier), l’accord de partenariat transatlantique sur le commerces et les investissements est une version réchauffée de l’AMI. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est normal : afin d’éviter toute nouvelle opposition, les négociations se déroulent dans la plus grande opacité.

En 2011, dans la continuité du partenariat économique transatlantique, un groupe d’ « experts » américains et européens est constitué. Son rapport, rendu public en février 2013, préconise le lancement des négociations pour un accord commercial transatlantique. 65% du contenu du mandat des négociations est inspiré par le monde des affaires... Le 23 mai, il est adopté au Parlement européen (les députés Verts et de Gauche unitaire s’y opposent) et le 14 juin par les 27 gouvernements de l’Union Européenne sans que les Parlements nationaux soient consultés. Quelles en seront les principaux axes ? Tout d’abord, il est prévu une forte diminution des droits de douane dans les domaines du textile et de l’agriculture. Selon l’agro-économiste Jacques Berthelot, dans ce dernier domaine, on assisterait à un « séisme écono-mique, social, environnemental et politique sans précédent ». Les normes concernant la protection des libertés individuelles et régulant la finance sont également considérées comme des obstacles au libre-échange. De plus, les services publics les plus fondamentaux, tels que l’éducation, sont menacés en vertu d’un principe selon lequel les pouvoirs publics doivent accorder les mêmes « avantages » aux services privés qu’à leurs propres services, y compris s’il s’agit d’entités étrangères. Ainsi, par exemple, la France serait obligée de traiter de la même manière toutes les universités implantées sur son territoire, fussent-elles des antennes d’universités privées américaines. Comme elles ne pourraient pas toutes les subventionner, elle ne financerait plus aucune université !

Enfin, le volet relatif à l’investissement pose non seulement des principes garantissant les mêmes avantages aux investisseurs étrangers qu’aux investisseurs nationaux, mais pire encore : les premiers bénéficieraient de la création d’un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs d’une part et toutes les autorités nationales ou infra-nationales d’autre part. Celui-ci, « efficace et des plus modernes » auraient pour objet de garantir l’application des stipulations de l’accord. Ainsi, les investisseurs se verraient encore mieux armés qu’avec les dispositifs existants. S’ouvrirait devant eux un formidable boulevard pour le nivellement par le bas des normes sanitaires, environnementales et sociales (sachant que, globalement, ces normes sont beaucoup moins nombreuses et protectrices aux Etats-Unis qu’en Europe). Ainsi, les pays européens ne pourraient plus résister longtemps au rouleau compresseur des O.G.M. ou des gaz de schistes.

Les négociations sont prévues pour durer environ deux ans. Des expériences précédentes l’ont montré : c’est la diversité des formes d’actions et la mobilisation des citoyens lambda qui peuvent faire échec au projet. Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées mèneront des actions conjointement avec d’autres associations (Attac, les Amis du Monde Diplomatique, etc.). Mais en parallèle, chacun-e d’entre nous peut écrire aux responsables politiques, faire le siège auprès de son ou sa deputé-e, et faire des émules autour de soi ! Oui, nous empêcherons le règne du marché total. No pasaran !


Publié le mercredi 22 janvier 2014.