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Le passage en force de la mise à 4 voies de la RN 88 dans la haute vallée de l’Aveyron




Par Michel Raynal, Ami de la Terre Midi-Pyrénées

Alors que l’Autorité Environnementale (AE) [1] s’alarme de ne pas voir de ralentissement des programmes de type autoroutier participant au déclin de la biodiversité et au réchauffement climatique, nos élus s’obstinent sur un modèle non seulement à bout de souffle mais néfaste.

Rodez-Séverac, un maillon sensible

L’axe routier Toulouse-Lyon, rebaptisé « diagonale du fou » par les associations environnementales, entaille diagonalement le sud du massif central, cisaillant les reliefs de l’Aveyron, Lozère et Haute-Loire. Il fut déclaré axe prioritaire au Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire de Mende en 1993. Ses promoteurs (élus, technocrates, lobbys routiers) le présentent comme un maillon indispensable d’une diagonale reliant l’Europe du Nord et du Sud. Depuis cette période, de querelles politiques en atermoiements, recherches de financements, contestations d’itinéraires et autres, la réalisation a avancé par sauts successifs jusque dans l’Aveyron avec des tronçons sous statuts divers (caractéristiques autoroutières, voie rapide, etc ), « saucissonnant » le projet. Il fut présenté comme satisfaisant aux critères du développement durable par le Syndicat Mixte de l’axe Toulouse-Lyon, appuyé notamment par le ministère de l’écologie. La section Rodez-Le Puy qui nous concerne était alors qualifiée d’expérimentation et « la plus délicate à réaliser en terme d’insertion dans l’environnement, la plus onéreuse et la moins circulée, la plus emblématique des enjeux d’aménagement du territoire », devant faire évoluer les méthodes traditionnelles de conception et de conduite des travaux routiers, le tout étant prétendument au service d’un développement global (économique, social et environnemental) en prenant en compte les potentialités économiques touristiques, écologiques et paysagères.

Il s’ensuit que le collectif, constitué fin 2023 à Rodez sous le nom de collectif 88 (dont les Amis de la Terre MP sont membres), a pour but de passer au crible ces annonces à la lumière de ce qui a été réellement fait, de critiquer et au besoin de s’opposer à la réalisation du tronçon restant à réaliser : Rodez-Sévérac sur une quarantaine de km, le plus sensible et potentiellement destructeur pour l’environnement au sens large, sur la haute vallée de l’Aveyron.

Oppositions et contestations diverses

En 1996 déjà, les Amis de la Terre MP, de même que l’ancêtre de FNE régional, la FNAUT (Fédération Nationale des Usagers des Transports) et d’autres, telle l’UPNET (Union de Protection de la Nature et de l’Environnement du Tarn), manifestaient notamment à Tanus (commune du Tarn frontalière de l’Aveyron), sur la RN88, contre le projet non avoué « Munich-Madrid ». À la même époque, le Comité Causse Comtal (Bozouls) se créait en opposition, réclamant plutôt une amélioration de la route existante. En Lozère, le collectif « Non à la deuxième autoroute » réussissait, par exemple, à faire échouer la traversée de la Truyère par l’autoroute au niveau du magnifique site rocheux du Baou comprenant un sanctuaire antique près de Serverette. Dans la vallée de l’Aveyron, une association appuyée par des personnes influentes (à Bertholène) réussit, dans une logique « nimbyste » [2] à faire déplacer le projet vers le causse dominant la vallée, créant ainsi de nouvelles menaces pour l’environnement, alors que l’aménagement des axes de circulation passant déjà au bord de l’Aveyron auraient consommé moins de terrain et moins défiguré le paysage. La volonté des promoteurs de créer un nouveau fuseau sans améliorer l’infrastructure existante, appelle en effet une consommation énorme de terrains naturels et agricoles.

Impacts fonciers connus

En attendant des chiffres plus complets, il a déjà été observé, concernant les 90 km de Tanus à Séverac d’Aveyron (point de jonction avec l’A75) des aménagements fonciers ou remembrements sur tout le parcours (20 000 hectares impactés). Cela implique des travaux connexes comprenant arrachages de haies (202 km) et abattages d’arbres souvent non justifiés, voire ignorant les recommandations officielles du schéma directeur et de la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt.

Les 450 ha d’emprise nécessaires à la chaussée devraient comprendre environ 225 ha de goudron. Cette consommation d’espaces naturels et agricoles sera comptabilisée, ainsi que la région Occitanie l’a demandé, au titre des « Projets d’Envergure Nationale et Européenne » (PENE), c’est-à-dire des projets dont la con-sommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) est comptabilisée non pas à l’échelle régionale (toutes les régions étant soumises à un objectif identique de baisse de consommation des ENAF), mais à l’échelle nationale, selon un principe de « péréquation » entre les régions.

Localement, et à titre d’exemple, l’enquête publique en vue du remembrement intercommunal sur les communes de Buzeins, Lapanouse et Lavernhe (situées à l’ouest de Sévérac), a permis à Michel Raynal de mettre à jour une série de dysfonctionnements qui seront détaillés dans une note à venir, à la suite d’un appel d’un collectif local inquiet des conséquences. Les arrachages de haies devaient, par exemple, concerner 17% du maillage bocager comprenant 16,6 km de haies de première catégorie (à protéger). La réclamation portée devant la commission compétente par l’association a reçu un avis favorable de principe sans qu’on puisse en mesurer les suites. Ainsi, pour 7,5 km de voie express sur les 90 km aveyronnais, il a fallu remembrer 3 500 hectares sur les 3 communes précitées, étant précisé que la commune de Lavernhe n’est pas impactée par le tracé mais doit « fournir » des hectares de compensation ! Les recherches se poursuivent dans le cadre du collectif.

Évolution actuelle

Il revient donc au « collectif 88 » de suivre l’opération RN88 à 2X2 voies dans la phase aveyronnaise finale sur une quarantaine de km entre Rodez et Sévérac, la plus complexe. Compte tenu de l’ancienneté des dernières déclarations d’utilité publique, une nouvelle enquête avec étude d’impacts sera nécessaire. Cela permettra l’examen et la critique sur tous les aspects de la propagande pro‑autoroutière soutenue par les élus locaux et les milieux économiques, en particulier ceux liés au transport et aux travaux publics. Le département de l’Aveyron est maître d’ouvrage à sa demande depuis le début 2024 et pousse le projet au maximum en quête insistante de la participation de l’État.

Le collectif agira autant que possible en collaboration avec d’autres tels que la Déroute des routes, la Lutte des sucs en Haute-Loire et une association lozérienne. Il faudra dissiper quelques illusions vendues au public actuellement dans le domaine du gain de temps, des résultats économiques, de l’emploi, du tourisme et en même temps promouvoir les alternatives par la commission « argumentaires » du collectif (à laquelle participent les Amis de la Terre) qui a rencontré les cheminots pour travailler sur la relance du ferroviaire entre Rodez et Sévérac. Nous critiquons sur ce tronçon le manque de cohérence écologique de la région qui finance la voie rapide en concurrence avec le train en dispersant ses moyens. Nous l’avons exprimé lors d’une réunion avec la région qui a eu lieu début mai sur le thème de la politique des transports sur ces axes.

Nous organisons depuis peu des visites ou prospections sur le terrain afin de faire connaître les lieux qui seront impactés par la 2X2 voies et de confronter le public aux destructions à venir, ceci dans le but de faire évoluer l’opinion publique actuellement favorable ou indifférente au projet ; il est alors possible d’en évaluer les impacts sur les paysages remarquables de la haute vallée de l’Aveyron qui se caractérise par une grande variété de profils géologiques, floristiques, faunistiques et patrimoniales comme ces drailles multimillénaires parsemées de monuments mégalithiques. L’hydrologie, avec les résurgences aux pieds des causses, sera également un enjeu important devant faire l’objet d’une enquête publique au titre de la loi sur l’eau. L‘élevage sur des prairies remarquables bordant l’Aveyron est menacé par les bouleversements parcellaires et la perte de surface des exploitations. Certains éleveurs en sont désespérés. Les effets sur le tourisme rural seraient non négligeables, de même que la population craint le bruit entre autre nuisances.

[1Rattachée au ministère de l’environnement, cette instance évalue l’impact environnemental des projets.

[2« nimbyste » désigne une forme de contestation des projets où la seule préoccupation des opposants est que le projet ne se fasse pas près de chez eux (« NIMBY » étant l’acronyme de « Not In My Backyard » soit « Pas dans mon jardin »).


Publié le samedi 1er juin 2024.