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L’abeille, une lanceuse d’alerte




par Thierry SCHLUMPF

Les insecticides néonicotinoïdes

La France est un des pays les plus touchés par le syndrome d’effondrement des colonies : depuis 1995, 30 à 40% des abeilles domestiques y meurent chaque année (avec des pointes à 60% dans certaines zones du Sud Ouest), contre 5% auparavant. La production de miel a chuté de moitié en 20 ans : la France n’est plus autosuffisante. Des espèces d’abeilles sauvages sont menacées d’extinction. D’après un économiste, le service rendu à la planète par la pollinisation, assurée à 80% par les abeilles, vaut 153 milliards d’euros (étude CNRS / INRA, 2005).

Le « Plan National d’Actions France Terre de Pollinisateurs », lancé en 2016 par le Ministère de l’Écologie, prend acte du déclin « incontestable » des pollinisateurs, l’attribuant à « l’activité humaine dans son ensemble (…) intensification de l’agriculture et de l’urbanisation, fragmentation des paysages, biocides, changement climatique »... mais ira-t-il au delà de déclarations d’intentions ? Nous l’espérons vivement.

Alors que
 Rachel Carson a publié en 1962 son ouvrage fondamental « Printemps silencieux »,
 le DDT a été interdit en 1972,
les insecticides néonicotinoïdes, de 5 000 à 10.000 fois plus létaux que les insecticides précédents, sont massivement utilisés dans le monde entier, commercialisés par les multinationales bien connues des lecteurs de La Feuille Verte : Bayer, Syngenta, BASF, Monsanto...

Ces néonicotinoïdes ont une structure moléculaire stable qui les rend rémanents : ils polluent durablement l’eau, l’air et le sol. La preuve scientifique de leur responsabilité dans la mort des pollinisateurs est faite et de leur effet neurotoxique et cancérigène pour les hommes… pourtant ils peuvent être épandus ou imprégner les semences par enrobage : le traitement est appliqué par principe, sans attendre une attaque de ravageurs !
L’Allemagne et l’Autriche les ont interdits...

Mercure de Minamata, amiante, diesel ; la liste des poisons déversés par l’industrie chimique et des mensonges qui l’accompagnent est longue, mais dans le champ santé et environnement les leçons ne servent guère : les conflits d’intérêt règnent, faisant fi de l’éthique la plus élémentaire.

Pour nous, il est clair que la santé de l’abeille est un révélateur des dysfonctionnements d’une économie qui ne repose que sur les profits financiers et sur la fuite en avant techno-scientiste, oublieuse de la protection des populations.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »

Le Syndicat Apiculteurs Midi-Pyrénées, créé en 1955, a donc été amené à élargir sa mission historique (service aux adhérents, organisation de formations) à celle de plaideur et militant pour la défense des abeilles.

Nous assumons le rôle, chronophage, d’interlocuteur des pouvoirs publics, ce qui suppose de solliciter, puis de rencontrer un à un nos représentants, maires, conseillers régionaux, sénateurs, députés, pour les informer et les rappeler à leurs responsabilités de protection des populations. Nos moyens sont dérisoires par rapport à ceux des lobbies de l’agrochimie, mais nous obtenons des renversements de vote….

L’interdiction des néonicotinoïdes, à compter de septembre 2018 - il faut bien écouler les stocks ! - a été certes obtenue en première lecture, mais elle reste fragile. Votée à l’Assemblée à deux voix près (quelle considération pour l’intérêt général !), elle repart mi-mai au Sénat. Un parcours législatif que nous suivons de très près ; nous reprendrons nos arguments auprès de chacun(e) des sénateurs et sénatrices de la grande Région MPLR.

Il faut parfois aller en justice, comme le montre l’exemple des épandages aériens. En juillet 2015, la juridiction administrative toulousaine a annulé à la demande de plusieurs associations l’arrêté du 5 juillet 2012 autorisant une dérogation saisonnière à l’interdiction d’épandage aérien sur les cultures de maïs grain, semences et pop-corn. Les Apiculteurs Midi-Pyrénées, FNE, le collectif Anti-Ogm 31, Nature Comminges, s’étaient mobilisés pour dénoncer ces dérogations aux graves conséquences sanitaires et environnementales. La préfecture s’est vue condamnée à verser 1000€…qui ne couvrent pas les frais juridiques engagés. La morale, c’est l’impératif d’une vigilance constante, une grande implication pour contrer les forces destructrices des intérêts privés.

Alors, comme toute structure engagée, nous persistons à organiser réunions publiques, projection-débats, sensibilisation dans les écoles. A la demande de collectivités locales, de comités d’entreprise, nous installons des ruches en ville, où les abeilles sont paradoxalement moins exposées aux pesticides que dans nombreux recoins du Lauragais.

L’abeille nous alerte aussi sur la face obscure de la mondialisation : le redoutable frelon asiatique est arrivé de Shanghai à Bordeaux en 2004, dans un container de poteries à bas prix.


Pour soutenir la cause de l’abeille, le Syndicat propose une formule de parrainage de ruches dans son rucher-école, qui permet de sensibiliser famille, amis, enfants par un accueil sur le terrain... et d’obtenir en fin d’été une production de miel personnalisée !

Renseignements ici


Publié le jeudi 26 mai 2016.