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Petite histoire urbaine de Toulouse Euro Sud Ouest (TESO)




Par Jean-Charles VALADIER

Le projet urbain pour aménager la gare au profit de la ligne LGV avait le beau nom technocratique et jacobin de « Toulouse Euro Sud-Ouest ». Il a maintenant un nouveau nom plus tendance, celui de « Grand Matabiau Quai d’Oc ». Mais cela ne fait rien à l’affaire, c’est toujours un quartier pour de bonnes affaires immobilières.

Le projet TESO, c’est l’avenue de Lyon détruite, élargie et remplacée par un couloir de bâtiments atteignant, pour certains, 50 m à 60 m de haut. C’est la rue Saint Laurent défigurée. Ce sont des tours et des barres aussi bien le long du canal que sur la gare Raynal. Ce sont deux nouveaux accès routiers à la rocade.

Quant aux quais de la gare, ils sont adaptés pour la LGV, sans anticiper le trafic bien plus considérable que l’on doit espérer d’une relance du train.
Le flux d’un RER toulousain est de 10 fois à 30 fois supérieur à celui d’une LGV.

Revenons à l’histoire urbaine du quartier Matabiau

Sur le Parthénon à Athènes a été trouvée une mention de TOLOSA datant de 600 avant JC.
De l’antiquité au XXe siècle, en passant par l’époque des troubadours, Toulouse se construit autour des flux piétonniers intenses de ses rues et places. Matabiau est une colline naturelle.

En 1900, Honoré Serres est maire de Toulouse. La gare Matabiau accueille un grand réseau de train vers toute la région. C’est un quartier prisé. Dans la lignée de ses 2500 ans d’histoire urbaine, un bâti de qualité longe le Canal du Midi ainsi que l’avenue de Lyon et le faubourg Bonnefoy.

En 1930, Etienne Billières est maire de Toulouse. 140 km de réseau de tramway parcourent la ville et ses environs. L’avenue de Lyon et le quartier de la gare restent des secteurs prisés.

En 1960, Louis Bazerque est maire de Toulouse. Pour ne pas financer l’extension des voiries et de ses réseaux d’eau et d’électricité, on continue l’urbanisation compacte historique, même si ce sont maintenant de grands immeubles de béton. Mais la grande nouveauté, c’est le rêve de la voiture pour tous. Le grand projet, c’est de couvrir le canal du midi pour y faire passer la Route Nationale 113 et d’élargir l’avenue de Lyon pour y faire passer la Route Nationale 88 vers Albi. Malgré l’abandon de la couverture du canal, ces prescriptions d’élargissement ne sont pas levées, maire après maire et vont s’imposer au projet TESO.
L’avenue de Lyon et tout le secteur de la gare commencent à décliner.

En 1980, Pierre Baudis est maire de Toulouse. Le nouveau projet, c’est la rocade pour installer les toulousain.e.s à la campagne. Pour pouvoir investir massivement dans les nouvelles voiries et réseaux d’eau et d’électricité, les espaces publics urbains sont délaissés, en particulier les entrées de ville.
L’avenue de Lyon et tout le secteur de la gare sont laissés à l’abandon.

En 1990, Dominique Baudis est maire de Toulouse. C’est encore tout pour la voiture. Le projet du réseau de tramway qui aurait permis enfin de moderniser l’espace public est enterré au profit de 2 lignes de métro ne gênant pas la circulation automobile. Les toulousain.es qui l’ont pu, ont fui les grandes avenues sortant de la ville où le bruit et la pollution de la circulation automobile sont devenus insupportables.
Du fait des obligations d’élargissement, l’avenue de Lyon et le quartier de la gare sont laissés aux marchands de sommeil et à tous les trafics.

En 2004, Philippe Douste Blazy est maire de Toulouse. Il promet l’arrivée de la LGV pour 2015. Environ la moitié de population de l’agglomération vit à l’extérieur de la rocade.
 Année après année, les politiques du tout voiture ont détruit le commerce de proximité et la vie de quartier.
 Année après année, les politiques de promotion immobilière, dont celle des ZAC, les Zones d’Activités Concertées, ont détruit le réseau des entreprises toulousaines du bâtiment au profit de quelques grosses multinationales du BTP.

De son coté, l’État est surendetté, entre autres, par des infrastructures disproportionnées au regard de leur utilité publique, telle l’hypertrophie autoroutière ou les lignes LGV au coût exorbitant.
A travers la SNCF, l’État ne peut plus financer l’adaptation de la gare de Matabiau à la LGV.
Si les élus locaux veulent la LGV, ils devront accepter que la SNCF finance l’adaptation de la gare par des plus-values immobilières et commerciales, en priorité sur la qualité urbaine ou architecturale.
Pour le faire Philippe Douste Blazy lance le quartier d’affaires de Matabiau en pensant aux multinationales du BTP avec lesquelles il a coutume de travailler.

En 2010, Pierre Cohen est maire de Toulouse. Le projet Toulouse Euro Sud Ouest (TESO) est officiellement lancé. Il couvre un large secteur autour de la gare pour limiter la spéculation immobilière. Une concertation publique est lancée. Mais elle reste sur le legs urbain des années d’après- guerre :
• comme inscrit dans les années 1960, l’avenue de Lyon est rasée et élargie,
• comme héritage des années 1980, le projet est à l’échelle du savoir-faire des multinationales du BTP,
• comme planifié dans les années 2000, la modernisation de la gare sera payée par le projet urbain
• comme voulu par Paris, la gare sera dimensionnée pour la LGV, malgré une première prise en compte des besoins du train régional arrachée de haute lutte à la SNCF.
La concertation est lancée sur cette base et un gros travail est fait par les associations pour intégrer le projet au tissu urbain toulousain, mais ils ne peuvent améliorer le projet qu’à la marge.

En 2017, Jean-Luc Mondenc est maire de Toulouse. Il dévoile au salon de l’immobilier de Cannes le projet du premier gratteciel de Toulouse dit « Tour d’Occitanie ». Il sera coincé sur un terrain appartenant à la SNCF pour qu’elle puisse financer la gare LGV. Il restreint au minimum le périmètre du secteur TESO, malgré les risques évidents de spéculation foncière. Il s’assure le service des multinationales du BTP en proposant un urbanisme encore plus dense de tours et de barres.

Dans ces conditions, la concertation avec les associations et les habitant.e.s devient difficile au point qu’il faut mobiliser plus de 300 adhérents de la Chambre de Commerce et d’Industrie pour obtenir la déclaration d’utilité publique du projet en 2019.
Du jamais vu.

On en est là de la petite histoire urbaine du quartier TESO...

Pour les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, un autre urbanisme est possible

Bien sûr, architectes et urbanistes y travailleraient avec plaisir.
Il suffirait de leur proposer un autre projet.
Dans leur avis défavorable à l’Enquête publique TESO, les Amis de la Terre Midi-Pyrénées demandent qu’un projet urbain de densification plus faible soit aussi étudié et soumis au débat public pour permettre un vrai choix démocratique aux toulousain.e.s.
Un projet qui refuse la destruction du patrimoine, démolition qui génère d’ailleurs un énorme trafic de gravats qui pollue tant et plus.
Un projet qui refuse ces copropriétés géantes, chères et ingérables et qui soit à la mesure des PME locales du BTP.
Des immeubles qui intègrent mixité sociale et mixité d’habitation, de commerces et locaux d’activité.
Un urbanisme moderne qui valorise le patrimoine existant.
Un projet raisonnable avec des hauteurs variées, entre 3 à 6 étages, peut-être plus par endroit.

Un urbanisme qui s’inspirerait de la structure paysagère des premiers faubourgs toulousains, composée de terrasses et de cours végétalisées. Un modèle qui ne crée pas d’îlot de chaleur.
Des espaces publics avec une circulation apaisée qui permettent d’intégrer harmonieusement le flux piéton très important que devrait générer une grande gare multimodale accueillant un trafic voyageur beaucoup plus important, comme l’exige le défi de la transition écologique.


Publié le mardi 24 mars 2020.