Par Jean-Charles Valadier
J’ai connu Lucien Buys en 1997, alors qu’il prenait sa retraite. C’était l’homme expérimenté qui s’engageait face à l’évidence de la bêtise du tunnel routier du Somport, symbole de la destruction de l’agropastoralisme en vallée d’Aspe qui avait permis de sauvegarder nos derniers ours. Lucien Buys, c’était toute l’expérience du combat syndical, de la probité, du respect des engagements et de la détermination calme. Bref le contraire de la fougue du jeune militant que j’étais ... C’est ses qualités qui ont permis au Comité Somport Toulouse de s’entourer de militants hors du commun par leur refus radical d’accepter que la société de consommation justifie les injustices sociales et le saccage de notre environnement. Lucien Buys écrivait à tous les décideurs des tas de courriers clairs qui montrait le bien fondé de notre action, tout en accompagnant les actions d’éclat en vallée d’Aspe et sur Toulouse pour réveiller les consciences.
Puis Lucien Buys a consacré un temps considérable aux Amis de la Terre alors qu’ils traversaient une phase financière critique, toujours sur cette même idée de la radicalité du projet écologiste et de la pédagogie son bien-fondé. Son engagement m’a convaincu d’adhérer à mon tour aux Amis de la Terre Midi Pyrénées.
Il a animé de 1997 à 2003 le Collectif PDU qui a fait dialoguer 37 associations de quartiers ou de villes de l’agglomération toulousaine. Alors que nous étions d’accord sur le fait de diminuer la croissance folle de la voiture sur Toulouse, il nous a convaincu que le choix d’une deuxième ligne de métro serait catastrophique en terme de pollution, d’embouteillage et de santé publique (et malheureusement, en 2021, la réalité est pire que nos estimations). Il a coordonné et édité, sans bureau d’étude ni internet, un contreprojet de Plan de Déplacement Urbain de l’agglomération toulousaine, autour d’un réseau maillé de tramway, de bus en site propre, de piste cyclables, de trains de banlieue. Au nom de ce projet, il a écrit courrier sur courrier, sur les effets évidents de l’inaction contre la croissance de l’usage de la voiture, en contradiction avec la récente loi sur l’air, à tous les élus et décideurs (ce n’étaient alors que des hommes) de l’agglomération toulousaine. A croire qu’ils ne connaissaient pas la loi.
Devant l’évidence, le préfet a mis en révision immédiate le premier Plan de Déplacement Urbain de l’agglomération Toulouse. Malheureusement, en France, les élu.es ne sont pas tenu.es de respecter les lois, et encore moins de dialoguer avec les citoyens entre deux élections.
Mais cette action a semé des graines et ce mois d’aout 2021, à l’instigation des Amis de la Terre, le conseil d’état vient de punir le désengagement de l’état sur la question de la pollution de l’air.
Puis dans sa sagesse, Lucien a décidé de se consacrer à sa famille et ses petits enfants.
Lucien, tu viens de nous quitter, mais notre slogan NO PASSARAN que nous crions face aux CRS qui protégeaient les bulldozers qui défiguraient la vallée d’Aspe, est repris sous d’autre forme par des millions de jeunes qui se lèvent au travers du monde pour une société plus juste et écologique face à ceux et celles qui préfèrent le réchauffement climatique, la destruction de la biodiversité et l’injustice sociale pourvu que leur enrichissement personnel perdure.