Le lac de Montbel, situé dans l’ouest du département de l’Ariège a été aménagé en 1984 dans le lit du ruisseau de la Trière. Il est aujourd’hui menacé par un projet touristique mais nous pouvons encore le sauver !
Un havre de paix pour la biodiversité
L’étendue d’eau comprend deux parties :
• le lac à niveau variable, qui a pour vocation l’irrigation et le soutien d’étiage de l’Hers Vif. Il a subi de nombreux aménagements (base de loisirs, plages, restaurants, buvettes, sentier, etc…) ;
• le lac à niveau constant. Avec une cabane ornithologique pour seul aménagement, le lac est très peu fréquenté, ce qui a permis à une riche biodiversité de s’y épanouir : il compte 129 espèces protégées, dont 58 inscrites sur listes rouges nationales ou régionales de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature).
Drôle de « Coucoo »…
En 2019, l’Institution Interdépartementale pour l’Aménagement du Barrage de Montbel a lancé un appel à manifestation d’intérêt en proposant une surface de 34 hectares autour du lac à niveau constant pour un projet de type « Hébergement de plein air et respectueux de l’environnement » (sic). C’est le projet « Coucoo » de la société « Cabanes Nature et Spa » qui a été retenu. Emballé dans un concept marketing « éco-responsable », il prévoyait initialement l’installation de cabanes dans les arbres. Dans sa version actuelle, il consiste à implanter sur 2,5 km de berges :
• 25 cabanes de luxe avec bassin nordique (spa), entre 150 et 300 € la nuit !
• un bâtiment d’accueil de 500 m2,
• une piscine à débordement de 180 m2,
• un parking de 47 places (1 128 m2),
• des voitures et des bateaux électriques,
• un embarcadère et une passerelle de 60 m,
• 4 micro-stations de traitement des eaux usées,
• des voies d’accès et réseaux.
…qui menace la richesse écologique du site
Le schéma directeur d’aménagement touristique du lac de Montbel de 2017 projetait la réalisation d’un ABC (Atlas de la Biodiversité Communale), comme outil d’aide à la décision sur l’avenir du lac. Il préconisait par ailleurs de protéger les zones d’intérêt du lac à niveau constant et, pour ce faire, de limiter la fréquentation et l’entretien du milieu. Réalisé par l’ANA (Association des Naturalistes de l’Ariège) et le CEN (Conservatoire des Espaces Naturels)-Ariège, l’ABC a été restitué aux élus en 2021.
Or la communauté de communes du pays de Mirepoix, qui porte le schéma touristique du lac de Montbel, n’a finalement pas attendu les résultats de l’ABC pour accompagner le projet de complexe touristique. Elle a même révisé le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la commune pour permettre le projet.
Amenée à se prononcer sur la révision allégée du PLU en septembre 2020, la MRAe (Mission régionale d’autorité environnementale) a rappelé que « seul l’évitement strict de tout aménagement, dans les secteurs à enjeux écologiques forts, permet de préserver les espèces et habitats d’espèces patrimoniaux. »
Un permis d’aménager en sursis
Un tel projet nécessite bien sûr diverses autorisations (concernant la loi sur l’eau par exemple) mais aussi un permis d’aménager et un permis de construire, dont la délivrance est conditionnée au respect des règles d’urbanisme applicables. Or les projets faisant l’objet d’une autorisation d’urbanisme peuvent être soumis à évaluation environnementale, autrement dit à étude d’impact et à avis de la MRAe sur celle-ci. Selon l’importance du projet, l’évaluation environnementale est systématique ou bien « au cas par cas », c’est-à-dire exigée en fonction de l’appréciation de la MRAe.
Dans le cas du projet Coucoo, la MRAe avait initialement estimé qu’une évaluation environnementale était nécessaire. Mais suite à un recours gracieux et aux compléments apportés, le projet en a finalement été dispensé en octobre 2020, aussi bien pour le permis d’aménager que pour le permis de construire. Les deux autorisations ont ensuite été délivrées en 2021.
Parallèlement, les opposants au projet se structurent et créent le collectif « A pas de loutre » pour la protection et la préservation du lac à niveau constant de Montbel.
Les associations du Chabot et du Comité Ecologique Ariégeois, avec l’appui du Collectif « à pas de loutre », ont déposé devant le tribunal administratif un référé-suspension, procédure d’urgence qui permet d’obtenir le gel des travaux. Le 1er avril 2022, le juge administratif donne raison aux requérants : compte tenu des caractéristiques du projet et du milieu impacté, il considère qu’une étude d’impact doit être effectuée pour le permis d’aménager lui-même et que l’évaluation environnementale réalisée dans le cadre de la révision allégée du PLU ne peut s’y substituer. Les travaux sont suspendus en attendant la décision sur le fond et pour permettre cette régularisation du permis d’aménager.
La société Coucoo a donc finalement réalisé une étude d’impact, jointe à une demande de permis d’aménager et une demande de permis de construire modificatifs. Cette étude a toutefois été jugée insuffisante par l’OFB (Office Français de la Biodiversité) et la MRAE. Coucoo a donc réalisé une nouvelle étude d’impact puis déposé deux nouvelles demandes de permis modificatifs en novembre 2022. La MRAE a rendu un nouvel avis le 24 janvier 2023 (cf http://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr). Celui-ci comporte encore de nombreuses demandes et recommandations, notamment de « mieux détailler le processus de choix de moindre impact environnemental », renforcer la séquence « éviter-réduire-compenser » ou encore « compléter l’étude d’impact avec une évaluation du projet relative aux gaz à effet de serre et la pérennité du projet en contexte de changement climatique et de risques de tension sur la ressource en eau ».
A noter que quatre autres recours sont en instance, portés par les associations citées plus haut ainsi que FNE (France Nature Environnement) et NEO (Nature en Occitanie).
Donnez votre avis !
Tout projet de permis de construire ou de permis d’aménager soumis à évaluation environnementale après examen au cas par cas de l’Autorité Environnementale (cf supra) doit faire l’objet d’une procédure de participation électronique du public. Pour le lac de Monbel, cette consultation publique est ouverte du 27/02 au 30/03 sur : https://www.registre-numerique.fr/creation-d-un-parc-residentiel-de-loisirs-montbel
Plus d’infos sur le site du collectif.