Projet de ZAC Francazal, « futur campus des mobilités innovantes et décarbonées », « technocampus hydrogène » : dans le cadre de la concertation en cours, un collectif associatif s’enquiert de la nature du projet.
Signé par : Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, Cugnaux en Transition, Axe vert de La Ramée, Bourdets protection environnement, PAD (Pensons l’aéronautique pour demain), Collectif Francazal, Plaisance pour le climat et Écolomobile.
Les associations signataires de ce communiqué ont pris connaissance du projet d’aménagement du « futur campus des mobilités innovantes et décarbonées » lors de la réunion publique du 15 février 2023 à Cugnaux et au travers des différents documents mis à disposition sur les sites de la concertation de Toulouse Métropole [1] et de celle de la Région Occitanie [2].
De ces éléments de concertations découlent des inquiétudes et des doutes, que nous formulons aujourd’hui sous forme de questions, en attendant la prochaine réunion publique le 9 mars [3].
Notre collectif associatif souhaite recueillir un maximum d’informations pour donner tout son sens à cette phase de concertation. Il partage ses interrogations dans ce communiqué.
Les associations ne peuvent que se réjouir de cette initiative car le secteur du transport est celui qui
émet le plus de gaz à effet de serre en France (30 % en 2021) [4].
Dans les mobilités d’avenir : le bus, le train, le vélo, la marche sont mis en avant notamment pour leur empreinte réduite voire nulle et leur capacité à répondre au besoin de la population de se déplacer dans ses territoires. La place de la voiture est appelée à décroître ainsi que celle de l’aviation.
Quelles sont, parmi les mobilités permettant de décarboner le secteur du transport, les meilleures candidates pour l’utilisation de l’hydrogène ?
En effet, le choix de mettre l’hydrogène (H 2) « vert » au cœur du projet de la ZAC Francazal, certainement en réponse au plan « France 2030 » initié par le gouvernement, interroge à plus d’un titre : pour quels usages ? Avec quels risques ? À quel horizon ?
Tout d’abord, les experts s’accordent à dire que l’hydrogène sera probablement incontournable pour décarboner la production d’acier, la chimie, le transport maritime, et permettre le stockage d’énergie. Aujourd’hui, la part de la production d’hydrogène vert est très faible (moins de 1 %), et à l’horizon 2030 l’Agence internationale de l’énergie prévoit seulement qu’une moitié de sa production sera « verte » et ne permettra de répondre qu’à une très faible part des besoins [5].
Or, comme l’explique l’Atécopol [6] : « Pour alimenter Paris-Charles-de-Gaulle en hydrogène, il faudrait 16 réacteurs nucléaires ou plus de 10 000 éoliennes réparties sur la surface d’un département français. »
Nous voyons mal dans ce cas comment l’avion à hydrogène, qui n’existe pas encore, pourrait répondre aux enjeux. Et à plus long terme, sachant que l’avion à hydrogène ne pourra servir au mieux que pour des court et moyen-courriers alors que la moitié des émissions de CO2 des compagnies aériennes proviennent des vols long-courriers [7], par définition les plus difficiles à remplacer par des moyens terrestres. Aussi, continuer à développer la dépendance de la métropole toulousaine et de la région Occitanie à la mono-industrie aéronautique n’est-il pas un risque pour le futur ?
Amener des emplois sur la ville de Cugnaux est une idée séduisante sur le papier, mais uniquement si le fiasco de l’Hyperloop n’est pas reproduit (choix d’une « technologie d’avenir » qui n’en était pas une) ou que les entreprises ne délocalisent pas après quelques années seulement comme le récent scandale de Latécoere est là pour nous le rappeler. Aujourd’hui 450 emplois sont mentionnés et 2500 à terme [8]. S’agira-t-il de créations d’emplois ? Du déplacement d’emplois déjà existants dans la métropole toulousaine ? Ne refaisons pas les erreurs du passé.
Nos associations ne sont pas opposées, par principe, à l’idée de mettre l’hydrogène (en fait dihydrogène) « vert » au cœur du projet de la ZAC Francazal, mais dans ce cas se pose la question des risques liés à cette petite molécule très instable (risque de fuite important, avec un impact climatique direct bien supérieur à celui du CO2 [9], qui pourrait annihiler ces efforts de décarbonation).
La métropole toulousaine a payé un lourd tribut aux accidents industriels. « Les conséquences de l’accident d’AZF en font un accident de niveau 6 sur le plan humain (31 morts et 2 500 blessés), de niveau 6 sur le plan économique (661 millions d’euros de conséquences économiques estimées) et de niveau 2 sur le plan environnemental. » [10]. Dans ce contexte, et sachant que Francazal est un site militaire donc plus susceptible que d’autres d’être pris pour cible : quelles sont les mesures envisagées pour sécuriser l’installation des 2 tonnes d’H 2 ? Quels sont les risques en cas d’accident ?
Quid de la proximité avec d’autres sites Seveso (Linde France SA : seuil haut) ; est-ce pris en compte, et si oui comment ? Quel serait le statut Seveso du site ? Ce stockage est-il compatible avec celui de kérosène et le risque lié à l’aéroport civil ?
Le positionnement du site, longé par les lignes 5 et 7 du projet de Réseau express vélo (St-Jory – Muret) et à proximité de la ligne 4 (Pins-Justaret – Plaisance-du-Touch – St-Martin-du-Touch), en fait un lieu idéal pour accueillir du public. Outre la piste cyclable traversante, d’autres aménagements sont-ils prévus pour favoriser les mobilités actives ? Aujourd’hui, le site est desservi par les lignes Tisséo 58, 85 et 321, mais aucune ligne de bus Linéo à haut niveau de service n’est prévue à notre connaissance. Projeter d’amener 2 500 emplois à terme sans définir un plan de mobilité pour le permettre dans de bonnes conditions, n’est ce pas manquer la cible d’un « technocampus » qui souhaite travailler sur les mobilités décarbonées ?
Le projet de dépollution du site est une excellente idée (déjà promise lors de l’installation du projet Hyperloop) au sujet de laquelle nous aimerions en savoir davantage. Surtout que l’article paru dans Le Monde (23/02/23) nous rappelle que le site de Francazal est probablement pollué aux PFAS (« polluants éternels »). Quel est le calendrier de dépollution ? Est-ce que tout le site sera dépollué ?
Dans le cadre des aménagements planifiés, nous aimerions avoir l’assurance que les arbres présents sur le site seront préservés et que de nouvelles plantations seront envisagées. Plus que jamais, Cugnaux a besoin de ces îlots de fraîcheur ; il est donc primordial que le projet évite la minéralisation à outrance, comme on peut la constater sur l’aménagement de Montaudran par exemple. Francazal, de par sa surface et sa faible artificialisation, est idéal pour y implanter une zone de loisirs pour les Cugnalais. Un projet d’aménagement sportif pourrait être une bonne idée, mais celui ci jouxterait la Plaine des sports de Loubayssens, alors que d’autres quartiers de Cugnaux ne bénéficient pas d’équipements sportifs. Est-ce vraiment la meilleure option ?
Nos associations sont favorables à l’idée de valoriser les déchets du bâtiment, et ainsi de développer l’emploi de matériaux de seconde vie dans la construction. Des entreprises locales seront-elles sollicitées ? Quelle partie du site sera concernée : toute la ZAC ? Et concernant les bâtiments, y aura- t-il de nouvelles constructions, et si oui avec quel cahier des charges : bâtiments à énergie positive, bâtiments passifs… ? Est-il prévu d’augmenter la part de terrain artificialisé pour les nouvelles constructions ? Il existe de nombreuses contraintes concernant l’utilisation de panneaux photovoltaïques du fait de la présence des pistes : quelles sont les sources d’énergie décarbonées envisagées pour alimenter la ZAC ? L’hydrogène sera-t-il produit directement sur le site ou livré par camions venant de producteurs externes ? Le « technocampus » s’engage-t-il à ce que l’hydrogène utilisé sur le site ne soit pas produit à partir d’énergies fossiles ?
Au regard des défis que nous devons relever pour faire face au dérèglement climatique et à la disparition de la biodiversité, il est temps que collectivement nous nous interrogions sur les solutions pour y répondre et l’avenir que nous souhaitons au niveau de nos territoires.
Nous vous invitons donc à participer ce jeudi 9 mars à 18h à la réunion publique de concertation qui se tiendra à Cugnaux, salle Albert Camus.
Contact : Cugnaux en transition, 06 98 47 47 68
[1] concertation de Toulouse Métropole préalable au projet de ZAC (du 15 février au 31 octobre)
[2] concertation de la Région Occitanie pour la modification du PLU de Cugnaux (du 22 février au 23 mars)
[3] Le 9 mars à 18h, salle Albert Camus à Cugnaux
[4] Haut conseil pour le climat, rapport 2022, cf.p. 5
[5] Perspectives IEA sur la production d’H2
[6] Atécopol, Avion à hydrogène : quelques éléments de désenfumage, 22/03/2022
[7] Eurocontrol
[8] La Dépêche du Midi citant le Maire de Cugnaux, Toulouse : l’avion du futur à Francazal plutôt que le train de l’avenir,22/02/2023
[9] H2-mobile.fr, Les fuites d’hydrogène continuent d’inquiéter les scientifiques, 08/08/2022
[10] Les Décodeurs, 21/09/21