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La loi d’accélération des EnR : mode d’emploi




Les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, tout comme les Amis de la Terre France, sont favorables au développement des énergies renouvelables (EnR), mais pas dans n’importe quelles conditions. Un groupe de travail réunissant des membres des Amis de la Terre de toute la France prépare d’ailleurs une position de l’association sur le sujet, ce qui est loin d’être simple ! Les projets de parcs photovoltaïques au sol sur les espaces naturels et agricoles se multiplient à la fois parce qu’ils peuvent représenter une aubaine pour leurs propriétaires (petites communes et agriculteurs) et parce que la rentabilité des projets est globalement moindre sur les espaces urbanisés (montage du projet plus complexe, surfaces plus petites…). Adoptée le 10 mars 2023, la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables fait beaucoup parler d’elle. Quelle est sa raison d’être ? Aura-t-elle pour conséquence la multiplication de projets non vertueux ou, au contraire, encadrera-t-elle mieux le développement des EnR ? Quels sont les acteurs impliqués dans l’élaboration des fameuses zones d’accélération des énergies renouvelables ? Quel rôle occupera la société civile dans ce processus ?

1. Pourquoi cette loi ?
La loi vise à créer un cadre réglementaire et fiscal qui :
- permet de s’assurer que les objectifs quantitatifs définis par la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) seront atteints,
- encadre ce développement en mêlant interdictions dans certains secteurs, obligations d’installation dans d’autres et règles de priorités,
- donne de la visibilité aux acteurs de l’énergie et des avantages financiers
- facilite leurs démarches administratives et limite le risque de contentieux.

2. Comment doit se réaliser l’atteinte des objectifs définis par la PPE ?
La nouvelle Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) nationale – ou PPE3 - sera adoptée fin 2024. Dans les 2 mois qui suivent, des instances particulières, les comités régionaux de l’énergie (CRE) devront faire des propositions d’objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables (cf ci-dessous). Ainsi, les objectifs régionaux déclinant la nouvelle PPE seront fixés mi-2024.

Dès début 2024, les communes devront proposer une cartographie des zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAENR). Pour ce faire, l’État met un certain nombre d’informations et d’outils à leur disposition. Par ailleurs, l’élaboration de ces cartographies sera réalisée en concertation avec les établissements publics intercommunaux et la population. Ce travail sera compilé et validé par un référent préfectoral, après avis du CRE.

Le travail d’élaboration des ZAENR débutera donc bien avant la définition des nouveaux objectifs de la PPE3, mais ses premières orientations sont connues depuis juin 2023.

Si les CRE concluent que les zones d’accélération ne sont pas suffisantes pour l’atteinte des objectifs régionaux, les référents préfectoraux demanderont aux communes de définir des zones complémentaires, dont la validation obéira aux mêmes règles procédurales que les ZAENR initiales. Ce sont les référents préfectoraux qui arrêteront les cartographies mais les communes auront un droit de veto.

3. Qui est représenté dans les CRE ?
Ces instances rassemblent tout à la fois des représentants de l’Etat, de la région, des élus de collectivités infra-régionales (départements, établissements publics intercommunaux, communes...), du monde économique, des gestionnaires des réseaux d’énergie et de la société civile (dont des associations environnementalistes et des personnalités qualifiées).

4. Qu’est-ce que les ZAENR et concernent-elles tout type d’installation EnR ?
Ces zones permettent de fluidifier l’implantation des EnR à la fois par les avantages qui y sont associés et par le caractère public des cartographies.

Tout type d’énergie renouvelable peut faire l’objet d’une ZAENR, sauf les panneaux au sol sur des terres agricoles, auxquelles s’applique un dispositif particulier (cf ci-dessous). De même, les ZAENR n’ont pas de raison d’être pour les projets de méthanisation agricole. Par ailleurs, chaque ZAENR devra être affectée à une source d’énergie en particulier.

5. Quels sont les avantages pour les développeurs ?
Dans le cadre des procédures de mise en concurrence lancées pour atteindre les objectifs de production d’électricité de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (organisées par le ministère de l’énergie et la Commission de Régulation de l’Énergie), les projets prévus dans les ZAENR :
 auront un peu plus de chances d’être retenus,
 pourront bénéficier d’une modulation du tarif de rachat de l’électricité produite si la production s’avère inférieure à la moyenne de la zone en raison d’une implantation non-optimale.

6. Quel est le lien avec le droit de l’urbanisme ?

Les cartographies des ZAENR en elles-mêmes ne produisent pas d’effet en termes de droit des sols. Cependant, elles peuvent être intégrées dans les documents d’urbanisme (SCoT, PLU, cartes communales). L’intégration dans les documents d’urbanisme [1] vise à augmenter les chances d’obtention de l’autorisation d’urbanisme, sans constituer une garantie absolue (par exemple dans le cas où la délivrance de l’autorisation est conditionnée à des avis de services extérieurs tels que l’Architecte des Bâtiments des France).

7. Comment se déroulera la concertation pour l’élaboration des ZAENR ?
Les communes doivent effectuer une consultation avec la population avant de délibérer sur leur proposition de cartographie des ZAENR qu’elles transmettront au référent préfectoral (cf ci-dessus). Toutefois, elles définissent librement ces modalités de concertation, ce qui veut dire qu’il peut s’agir aussi bien d’une réunion publique que d’une simple mise à disposition d’un registre d’observations. Par ailleurs, l’établissement public intercommunal [2] est aussi impliqué : il doit se prononcer sur la cohérence des zones d’accélération identifiées avec le projet du territoire.

8. Des projets seront-ils possibles hors ZAENR lorsque les cartographies seront validées ?

Les ZAENR n’ont pas un caractère exclusif. Toutefois, à partir d’un certain seuil qui reste à déterminer par décret, les projets hors ZAENR devront obtenir l’avis d’un comité de projet incluant les différentes parties prenantes concernées, notamment les communes et les établissements publics de coopération intercommunale dont elles sont membres, ainsi que les représentants des communes limitrophes. C’est le porteur de projet qui prendra en charge les frais d’organisation du comité de projet.

9. Quel est le dispositif qui encadre l’installation des panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles et forestières ?
Étant donné les enjeux particuliers liés au développement de panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles et forestières, leur installation est soumise à des procédures particulières faisant intervenir la chambre d’agriculture et la CDPENAF [3]. La procédure diffère selon que les projets rentrent dans la définition de l’« agrivoltaïsme » ou pas.

→ Les projets ne rentrant pas dans la définition de « l’agrivoltaïsme » ne pourront être autorisés que dans des zones établies par un document-cadre spécial arrêté par le préfet de département sur proposition de la chambre d’agriculture.
Ce document-cadre définira notamment les surfaces agricoles et forestières qui pourront être ouvertes à un projet de panneaux photovoltaïques au sol, ainsi que les conditions d’implantation dans ces surfaces. Seuls peuvent être identifiés des sols réputés « incultes » ou non exploités depuis une durée minimale (qui sera fixée par décret).
Dans l’attente de ce document-cadre, les projets d’installation seront soumis à l’accord de la CDPENAF. Puis, lorsque ce document-cadre sera entré en vigueur, la CDPENAF émettra un simple avis sur les installations implantées.

Les projets d’installation dits « agrivoltaïques » pourront s’implanter partout mais seront soumis à l’accord de la CDPENAF. Par ailleurs, la commune et l’intercommunalité seront obligatoirement informées par l’État du dépôt d’une demande d’autorisation.

10. Qu’entend-t-on par « agrivoltaïsme » ?
Est considérée comme « agrivoltaïque » une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, tout en garantissant à un agriculteur actif une production agricole significative :
 l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
 l’adaptation au changement climatique ;
 la protection contre les aléas ;
 l’amélioration du bien-être animal.

Une installation ne pourra pas être considérée comme « agrivoltaïque » si elle :
- porte une atteinte substantielle à l’un de ces services, ou une atteinte limitée à deux de ces services ;
- ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ;
- n’est pas réversible.
La définition de l’agrivoltaïsme sera précisé par un décret qui n’est pas encore paru.

11. En quoi l’instruction des autorisations environnementales sera-t-elle facilitée et le risque de contentieux limité ?

Tout d’abord, la loi raccourcit le délai de délivrance de toutes les autorisations environnementales nécessaires à la mise en place d’installation de production d’énergies renouvelables :
 la durée d’examen de la demande d’autorisation environnementale passe de 4 mois à 3 mois,
 le délai pour la remise du rapport du commissaire enquêteur passe de 1 mois à 15 jours.

12. Les ZAENR risquent-elles d’entraîner une pression des installations d’EnR sur les espaces naturels et agricoles, notamment avec les centrales photovoltaïques au sol ?
La loi prévoit que l’État, pour faciliter le travail aux communes, peut mettre à leur disposition un cadastre solaire qui prend en compte les toitures et de manière plus générales toutes les surfaces déjà artificialisées, y compris les parcs de stationnement. S’agissant de ces derniers, la loi instaure une obligation d’installer des ombrières photovoltaïques sur au moins la moitié de la surface de tout parking de plus de 1 500 m2 (avec toutefois un certain nombre d’exceptions). Elle ajoute que l’identification des ZAENR doit s’appuyer sur les inventaire intercommunaux des zones d’activités économiques existantes.
Par ailleurs, la loi interdit la création de ZAENR :
 dans les parcs naturels nationaux ainsi que dans les réserves naturelles pour toutes les filières ;
 dans certaines zones Natura 2000 (zones de protection spéciale et zones spéciales de conservation des chiroptères) pour les éoliennes ;
 pour le photovoltaïque au sol, dans des secteurs boisés si cela implique un défrichement de plus de 25 ha (interdiction qui ne mange pas de pain étant donné l’ampleur que cela représenterait).

Au-delà des zones d’interdiction prévues par la loi, les services de l’Etat enjoignent les communes à éviter certains secteurs. Ainsi, la DDT 31, par exemple, invitent les collectivités à éviter les zones à enjeux majeurs, à savoir tous les espaces boisés, les zones humides, les ripisylves (végétation qui bordent les cours d’eau), les ZNIEFF de type 1 (zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique les plus riches), les zones Natura 2000, les secteurs concernés par un arrêté de biotope. Elle y ajoute les secteurs abritant des espèces de faune et de flore vulnérables aux panneaux photovoltaïques au sol (oiseaux nicheurs au sol, reptiles, amphibiens, certaines espèces d’insectes en milieu ouvert, etc.) et transmet aux communes des cartographies matérialisant ces enjeux.

Il reste à voir comment ces principes seront suivis d’effet dans la pratique.

[1Permis de construire ou déclaration préalable

[2Communauté de communes, communauté d’agglomération, communauté urbaine ou métropole selon les cas.

[3Commission Départementale de Protection des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers


Publié le mardi 12 décembre 2023.