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Compilation d’articles et d’extraits de textes d’analyse sur l’après-Fukushima




Sommaire de cette compilation :

1) Arte du 06-03-2012 : Fukushima 3 : Explosion nucléaire ?

2) Politis du 02-03-2012 :« L’après-nucléaire a commencé » ( comprendre : le nucléaire décline-t-il depuis le 11 mars 2011 ? )

3) Réseau Sortir du Nucléaire : résumé un an après la nouvelle catastrophe majeure.

4) Extrait du suivi de l’actualité de la catastrophe de Fukushima disponible sur le site du réseau sortir du nucléaire

5) Libération du 28-02-2012 : Fukushima : le gouvernement nippon a craint un temps la fin de Tokyo

6) revue “les Z’indigné(e)s !” n°1, novembre 2011, référencé sur le site des Amis de la Terre et signé par 15 personnalités : argumentaire pour un tribunal Russel contre les crimes du nucléaire civil

*

Sinistrement intéressant, le Théma « Les Leçons de Fukushima » passé sur Arte le 06-03-2012 à 20h40’ :

On m’a transmis l’extrait de résumé ci-dessous. Commentaire perso (Pierre Dedieu) : si explosion nucléaire il y a eu sur un fragment de cœur fondu, a fortiori sur du combustible MOX, il y a forcément eu de gros rejets de particules solides hyper-dangereuses, y compris des particules solides de Plutonium. Malgré leur retombée assez « rapide » à cause de leur densité très élevée, ces particules auront voyagé d’autant plus loin que l’explosion les a projetés à une altitude élevée (laquelle ??, le documentaire évoque mille mètres d’altitude) et que les conditions météo dirigeaient (ou non ?) les poussières vers des villes ( ? ? ).
Fukushima 3 : Explosion nucléaire ?

> La découverte de blocs de béton hautement radioactifs dans les débris du réacteur 3 confirme l’hypothèse que, contrairement à ce qui a été annoncé, l’explosion du 14 mars 2011 n’a pas été provoquée par de l’hydrogène mais bien par une réaction nucléraire en chaine.

> La NHK a publié l’info le 24 avril mais seuls les experts ont compris ce qu’elle signifiait

> http://www3.nhk.or.jp/daily/english...

> Parmi les débris du batiment du réacteur n°3 de Fukushima, on a trouvé un morceau de béton hautement radioactif.

> Le bloc de 30 cm de large du 5 d’epaisseur diffuse des doses de 900000 microsiverts par heure ce qui est le signe qu’il a été en contact avec des radioélément extrement actifs.

> Les ouvriers de TEPCO, lourdement protégés, l’on retiré du site et mis dans un conteneur spécial.

> Des débrits hautement radioactifs.

> Cette découverte confirme la théorie de certains experts selon laquelle la très puissante explosion qui s’est produite sur le batiment n°3 n’a rien à voir avec l’hydrogène mais serait la conséquence d’une réaction en chaine de combustible nucléaire, autrement dit une explosion atomique.

> Le spécialiste britanique Christopher Busby a déclaré sur la chaine de TV russe RT (Russia Today) que cette réaction en chaine a pu se produire dans la piscine de stockage de combustible située en haut du batiment et qui contenait d’importantes quantité de combustible MOX (mélange d’ Uratinum et de Plutonium) qui se sont retrouvé àl’air libre après l’arret des pompes alimentant la piscine en eau de refroidissement.

*

Politis du 02-03-2012 :
« L’après-nucléaire a commencé »

% comprendre :

> le nucléaire décline-t-il depuis le 11 mars 2011 ? %

Titre à double tranchant à mon avis, mais je passe là-dessus.

Sur 4 pages de ce Politis n° 1192, deux articles intéressants sur le nucléaire et son déclin.

> Extraits :
( entre « % » : commentaires personnels de Pierre Dedieu) :

« La catastrophe de la centrale japonaise, le 11 mars 2011, a donné un coup d’arrêt aux projets nucléaires dans le monde. Tandis que les énergies renouvelables gagnent régulièrement du terrain ».

>
Le Japon s’est sevré du nucléaire à la dure, en moins de douze mois. [..] Sur les 54 réacteurs que comptait son parc, qui fournissait 30% de l’élecricité du pays [...] 2 seulement sont encore en fonctionnement, bientôt arrêtés. Fin avril, le Japon aura rejoint le club des pays sans nucléaire.
[...] une quinzaine d’autres réacteurs Japonais ont été mis en service hors service par le séisme. Les autres s’arrêtent un à un depuis, pour des visites de maintenance classiques programmées tous les treize mois environ, et ne redémarrent pas, car ils doivent se soumettre à des tests complémentaires afin de vérifier leur résistance %supposée% à un événement de type Fukushima. Deux réacteurs à la centrale d’Ohi (centre ouest) viennent de les passer avec succès, mais ce n’est que le préliminaire d’un long processus avant un éventuel redémarrage. Il leur faudra surtout obtenir le blanc-seing des autorités locales, qui, en pleine défiance, font blocage.
Cette mise sur la touche conjoncturelle pourrait bien déboucher sur une mise sur une sortie définitive. L’hypothèse est soutenue par l’hostilité de l’opinion publique japonaise, devenue majoritairement favorable à un abandon de l’atome. [...] et le pays, à qui on prédiait les affres d’une terrible pénurie, s’est tiré à bon compte de sa « panne » d’atome. Certes, grâce à ses centrales de réserve à fioul, au gaz et à charbon, mais surtout grâce à une lutte contre le gaspillage, qui a réduit la consommation de 15%, voire plus dans certains cas.
Le grand rendez-vous sur l’avenir des centrales est fixé à l’été prochain, quand le gouvernement disposera de l’étude approfondie qu’il a commandée sur la réforme du système énergétique du pays. D’ores et déjà il est acquis que le développement des renouvelables sera une priorité.

>
L’accident de Fukushima [...] a ébranlé l’ensemble de la planète nucléaire. De nombreux projets de réacteurs ont été gelés, et l’avenir apparaît désormais très incertain. [...] Au cours des deux décennies à venir, l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) prévoit la concrétisation de 90 chantiers de réacteurs seulement %pour environ 457 réacteurs existants en 2011%.
[...] Dans sa dernière prospective, l’AIE envisageait pour la première fois un reflux du nucléaire à l’horizon 2035 : la filière ne contribuerait plus qu’à 7 % de la production mondiale d’électricité, contre 13% aujourd’hui.

>
[...] Aux USA (104 réacteurs, le plus grand parc mondial), la Commission de régulation du nucléaire (NRC) vient de délivrer une autorisation pour deux nouveaux chantiers en Géorgie, mais c’est la première depuis l’accident de Three Mile Island (Pennsylvanie), en 1979, et elle est déjà attaquée en justice par des associations (les obligations de sûreté ne prendraient pas en compte les enseignements de Fukushima). Le coût prévu (14 milliards de dollars) est considéré comme prohibitif par les opérateurs énergétiques du pays, dont plusieurs ont ouvertement considéré que, après le 11 mars 2011, le nucléaire n’avait plus d’avenir.
[...] L’Italie se préparait à construire 4 réacteurs, après un moratoire de 20 ans : projet enterré par le référendum de juin 2011, à 94% des voix ; la Suisse, où le nucléaire compte pou près de 40 % de la production électrique, a décidé fin mai 2011 d’en sortir totalement à l’horizon 2034. La Belgique (52% de nucléaire) a confirmé une décision similaire en octobre dernier.
Sous le pression de la population, l’Allemagne [...] a fermé 8 réacteurs d’un coup l’été dernier. Les neuf qui restent devraient être débranchés d’ici à 2022. La décision de Berlin est lourde de conséquences : le constructeur de centrales Siemens et l’électricien E. ON (léquivalent d’EDF et d’AREVA en France) ont annoncé que leur avenir était désormais dans les énergies renouvelables. Cette orientation stratégique est loin d’être isolée. La Chine, fer de lance de la pseudo-renaissance du nucléaire, a prévu un développement au moins aussi considérable de l’éolien, qui pourrait produire autant que l’atome en 2020. Sans parler d’autres filières vertes.

> A l’échelle planétaire, il est saisissant de comparer le dynamisme des renouvelables à l’atonie globale du marché nucléaire, constaté depuis les années 1990 [...]. En 2010, les investissements dans l’éolien, le solaire, la biomasse, etc ont atteint 211 milliars de dollars, ce qui représente une croissance annuelle de plus de 30% six années de suite ! La part d’énergie renouvelable dans la production mondiale d’électricité apporche désormais 20%, suivant une courbe régulièrement croissante depuis dix ans. Au cours de la même période, la contribution du nucléaire s’est affaissée à un rythme équivalent, passant de 17% à 13%. "

(article signé Patrick Piro).

*

www.sortirdunucleaire.org

Catastrophe nucléaire majeure au Japon

Un dossier d’actualité du Réseau « Sortir du nucléaire »
Catastrophe nucléaire majeure au Japon

> À l’approche du premier anniversaire de la catastrophe de Fukushima, nos pensées vont aux victimes actuelles et futures de la contamination, qui subissent à la fois les ravages de la radioactivité et la chape de plomb de la censure.

> Une contamination durable et une population dangereusement exposée

> Dans la préfecture de Fukushima, les populations restent exposées à des doses extrêmement élevées de radiation. Les enfants ne sont plus autorisés à jouer dehors. Depuis avril dernier, le gouvernement a relevé le seuil maximum d’exposition à 20 mSv (millisieverts) par an pour tous, adultes et enfants, un seuil qui ne devrait normalement concerner que les travailleurs du nucléaire. Face aux protestations, il a été fixé comme objectif de « viser », un maximum de 1 mSv par an, mais les mesures de décontamination mises en œuvre pour l’atteindre sont dérisoires. On se contente de retirer la terre des cours de récréation, mais un fort taux de radioactivité persiste malgré ces travaux, les réacteurs continuant à disperser leurs poisons dans l’environnement. Pour protéger les populations, la seule solution serait de pouvoir évacuer de larges zones, mais le gouvernement s’y refuse. Rappelons qu’à Tchernobyl, tout territoire présentant une contamination supérieure à 5 mSv/an avait été évacué.

> Des campagnes de mesures montrent que plusieurs enfants et femmes enceintes auront absorbé plus de 20 mSv/an cette année. Par ailleurs, on ne se soucie pas de la contamination interne par ingestion de particules radioactives. Les seuils ont ainsi été relevés à 500 Becquerels/kg pour les aliments, ce qui, de l’avis des experts qui ont travaillé au Bélarus suite à la catastrophe de Tchernobyl, est beaucoup trop élevé pour des enfants. On autorise la culture du riz dans des zones contaminées au Césium 137. Enfin, un nouveau risque s’ajoute avec l’accumulation dans tout le pays de gravats et débris radioactifs. Malheureusement, la durée de vie des radioéléments concernés (comme le césium, qui mettra plus de 30 ans à perdre la moitié de sa radioactivité), prédit une contamination durable.

> La catastrophe de Fukushima représente une crise très grave pour de nombreuses familles japonaises. Les mères, qui ne savent plus quels aliments donner à leurs enfants et ne peuvent plus les laisser jouer dehors, sont dans un grand désarroi. Certaines se sont résolues à partir vivre avec eux dans des régions moins contaminées, laissant derrière elles dans bien des cas leurs maris, qui ne peuvent se résoudre à une telle remise en question.

> Face à ce désarroi, les autorités sont dans le déni le plus cynique, perpétuant le mythe de la radiophobie qui avait déjà été abondamment débité à Tchernobyl. Shunichi Yamashita, le responsable de l’étude sanitaire qui doit concerner tous les habitants de la préfecture de Fukushima, a ainsi déclaré publiquement que les effets des radiations ne touchaient pas les personnes gaies et heureuses, mais uniquement les faibles d’esprit.

> Situation inquiétante à Fukushima et sortie accélérée du nucléaire

> Malgré la proclamation officielle de l’ « arrêt à froid » des réacteurs, la situation n’est toujours pas stabilisée à Fukushima. Dernièrement, la température est remontée de manière inquiétante dans le réacteur n°2, et les réacteurs éventrés continuent de recracher en permanence des radioéléments dans l’environnement. Selon plusieurs scientifiques, le réacteur n°1 aurait rejeté à lui tout seul 40 millions de milliards de Becquerels de Césium 137 depuis le début de la catastrophe. Par ailleurs, le Japon vit toujours sous la menace imminente d’un nouveau tsunami ou tremblement de terre, qui aboutirait à une dispersion plus grave encore de la contamination.

> De nombreux réacteurs avaient été mis à l’arrêt lors du séisme ; les uns après les autres, ceux restant sont arrêtés pour maintenance. Les autorités locales et les citoyens, qui ont pris au sérieux la menace nucléaire, refusent qu’ils soient redémarrés. Le gouvernement a certes décidé d’allonger de 20 nouvelles années le fonctionnement des centrales, mais cette décision, de fait, ne sera peut-être pas suivie d’effets. En effet, le Japon, qui tirait 28 % de son électricité de l’atome, pourrait bien connaître une sortie du nucléaire accélérée en l’espace d’un an : début mars, il ne reste plus que deux réacteurs japonais en activité sur 54 !

> Cette réduction spectaculaire de la part du nucléaire a été réalisée en partie grâce à une augmentation des importations de gaz, mais surtout par la mise en œuvre généralisée de mesures d’économie d’énergie souvent très simples. Les Japonais apprennent à se passer de la climatisation, optant pour des tenues plus légères. Une partie des équipements électriques (escalators, portes automatiques) sont à l’arrêt. Une réduction importante – et semble-t-il pérenne – de la pointe de consommation électrique a ainsi été effectuée. Ces mesures sont bien acceptées par la population, qui préfère une légère diminution de son confort à la poursuite de la menace nucléaire.

> La société civile japonaise réagit

> Les mensonges de Tepco et la censure des médias, qui relaient peu les positions des antinucléaires, se poursuivent. Mais la majorité des Japonais ne fait plus confiance au gouvernement, ni aux firmes électriques, et souhaite la sortie du nucléaire.
La société civile japonaise réagit face au déni. Dans les zones contaminées, les citoyens se mettent à mesurer eux-mêmes la radioactivité. Un réseau a été mis en place pour protéger et éventuellement évacuer les enfants de Fukushima.
En septembre, 60 000 personnes ont manifesté à Tokyo. Mi-janvier, à Yokohama, une grande conférence pour un monde sans nucléaire a rassemblé près de 10 000 participants du Japon et du monde entier. A l’automne, des femmes ont initié un sit-in devant le siège du Ministère de l’industrie. Depuis décembre, elles se relaient en permanence pour y rester jusqu’au 11 septembre 2012.
Des intellectuels se mobilisent, comme l’écrivain Kenzaburo Oé, le reporter Satochi Kamata et le musicien Ryuichi Sakamoto, qui ont initié la pétition « Action des 10 millions de citoyens pour dire adieu au nucléaire », dont le nombre de signataires dépasse maintenant les 3,9 millions.

> Plus jamais ça !

> Pour éviter que ne se reproduise la tragédie de Fukushima, mobilisons-nous et faisons-nous entendre. Il a fallu un des accidents les plus graves de l’histoire pour que le Japon ferme ses réacteurs. Avec ses 58 réacteurs et ses nombreuses usines, la France est extrêmement exposée au risque. N’attendons pas qu’une catastrophe y survienne pour que soit enfin adoptée une décision politique de sortie du nucléaire !

*

Extrait du suivi de l’actualité de la catastrophe de Fukushima disponible sur le site du réseau sortir du nucléaire www.sortirdunucleaire.org

( le suivi disponible sur le site est très complet et propose un fil d’info mois par mois depuis mars 2011)
Suivre l’actualité de la catastrophe de Fukushima et ses conséquences

> À un moment où la crise nucléaire au Japon prend la forme d’une catastrophe de grande ampleur que nous avons tant de fois redoutée, nos pensées vont d’abord vers les victimes de ce drame et vers les travailleurs des centrales accidentées qui s’efforcent au péril de leur vie de limiter les conséquences de la catastrophe. Nous souhaitons aussi exprimer notre solidarité avec nos amis des organisations écologistes et antinucléaires japonaises qui dénoncent depuis de longues années les risques insensés du programme nucléaire de leur pays et s’efforcent de poursuivre leur travail d’alerte dans des conditions extrêmement difficiles.

> > Fils d’infos

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Chronologie du mois de mars

Vendredi 09 mars 2012

> Le journal Les Echos revient dans un article sur la complexité de la contamination du territoire et l’évacuation des zones habitées. Certaines personnes habitant à proximité de la centrale peuvent encore résider dans leur habitation tandis que d’autres zones beaucoup plus éloignées sont devenus de véritables points chauds ou il devient dangereux de vivre. La contamination des sols correspond aux endroits où le nuage de poussières radioactives issues de l’explosion est passé.

> Les contours de la zone interdite restent très difficiles à tracer.

> http://www.lesechos.fr/economie-pol...

Libération du 28-02-2012 :

http://www.liberation.fr/depeches/0...
Fukushima : le gouvernement nippon a craint un temps la fin de Tokyo

Le porte-parole du gouvernement au moment de l’accident consécutif au tsunami du 11 mars 2011, Yukio Edano, a déclaré aux enquêteurs : « J’ai pensé à un scénario diabolique » où les réacteurs nucléaires auraient explosé les uns après les autres. « Si ça arrive, Tokyo est fini », a expliqué avoir pensé le responsable à l’époque. ( © AFP Yoshikazu Tsuno)

> TOKYO (AFP) - Le gouvernement japonais a travaillé un temps sur un scénario prévoyant la fin de Tokyo, à l’issue d’une série d’explosions nucléaires consécutive à l’accident de la centrale de Fukushima, a révélé mardi une commission indépendante enquêtant sur la réaction des autorités.

> Le porte-parole du gouvernement au moment de l’accident consécutif au tsunami du 11 mars 2011, Yukio Edano, a déclaré aux enquêteurs : « J’ai pensé à un scénario diabolique » où les réacteurs nucléaires auraient explosé les uns après les autres. « Si ça arrive, Tokyo est fini », a expliqué avoir pensé le responsable à l’époque.

> Des plans avaient été dressés au cas où une immense évacuation de la capitale aurait été nécessaire, à la mi-mars au moment où la maîtrise de la crise nucléaire en cours était encore très incertaine.

> La préfecture de Tokyo compte 13 millions d’habitants. En y ajoutant la population des trois préfectures voisines constitutives du « grand Tokyo », la mégapole compte 35 millions d’habitants, formant la plus importante agglomération urbaine du monde.

> Ces informations avaient déjà été révélées il y a quelques mois par le Premier ministre de l’époque, Naoto Kan, démissionnaire depuis.

> Les données plus précises fournies mardi ont été publiées dans un rapport d’une commission d’experts chargée d’enquêter sur les événements entourant la pire crise nucléaire planétaire depuis l’accident de Tchernobyl (Ukraine) en 1986.

> D’après cette étude, le gérant de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi (située à 220 km au nord-est du centre de Tokyo), Tokyo Electric Power (Tepco), a voulu au pire de la crise évacuer le site atomique où ses employés tentaient de maîtriser le désastre.

> Mais Tepco, qui a refusé de répondre aux questions de la commission, s’est vu ordonné à l’époque par Naoto Kan de continuer le travail en maintenant ses travailleurs sur place.

> D’après les experts, si le Premier ministre n’avait pas insisté et obtenu gain de cause, l’accident de Fukushima aurait davantage dégénéré, entraînant des conséquences catastrophiques.

> Près d’un an après le début de la crise, l’accident est aujourd’hui en cours de contrôle et les réacteurs sont en état « d’arrêt à froid », c’est à dire que leur température interne est descendue sous les 100°C.

> Une centaine de milliers de personnes, habitant les environs de la centrale dans la préfecture de Fukushima, ont été évacuées dans les premières semaines de l’accident. Certaines des zones vidées de leur population vont rester inhabitables en raison d’une forte radioactivité, a prévenu le ministère de l’Environnement.

> © 2012 AFP

*

article référencé sur le site des Amis de la Terre www.amisdelaterre.org

et implanté sur :

http://fukushima.over-blog.fr/artic...

Pour un tribunal Russel contre les crimes du nucléaire civil

Cet article a été publié dans la revue “les Z’indigné(e)s !” (n°1, novembre 2011), la revue des résistances et des alternatives (en librairie : 14 €).


Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima : des crimes contre l’humanité

Depuis 1945, plus de 2 400 explosions – dont la puissance de certaines [1] équivalait à plusieurs milliers de fois celle d’Hiroshima – ont eu lieu, sans parler des « ratés » et des dizaines d’accidents catastrophiques dont les premiers connus datent de l’automne 1957 à Windscale (UK) et Maïak (ex-URSS), respectivement classés 5 et 6 sur l’échelle INES. Mais qui en connaît précisément les conséquences ? Aucune enquête épidémiologique internationale digne de ce nom n’ayant été diligentée à ce propos, un comité européen sur les risques de l’irradiation (CERI) [2] a étudié, à la demande des députés verts, et confirmé l’impact de l’activité atomique depuis 65 ans sur les populations mondiales, ce dont on pouvait se douter puisqu’on en retrouve les traces jusque dans les glaces du pôle Sud [3]. Les enjeux sont tellement énormes que les effets pathologiques de toutes ces contaminations à petites doses et au long cours sont farouchement niés de concert par tous les pays ou les organisations intergouvernementales.

Centre nucléaire de Maïak (photo AFP)

Tchernobyl : irradiations et multicontaminations « à rebonds »

Tout comme le 6 août 1945, le 26 avril 1986 est une date historique pour l’ensemble de l’humanité [4]. Dès les débuts du cataclysme, les irradiations furent violentes, très supérieures à celles d’Hiroshima ou de Nagasaki [5], multiples, complexes et pérennes, quelle que soit la distance du lieu de l’accident : c’est une des particularités de Tchernobyl par rapport aux bombardements de 1945.

En explosant, le réacteur n°4 de la centrale Lénine de Tchernobyl n’a pas seulement rejeté des gaz et des aérosols divers issus de la désintégration atomique du combustible, comme le ferait une bombe, mais il a également rejeté « des particules chaudes solides » [6] de combustible : ce sont des fragments de toutes tailles qui, combinés avec d’autres radionucléides, sont retombés sur le site ou à proximité de la centrale. Par la suite, des « particules chaudes liquides » se sont également formées dans le sol après les pluies. Lorsque ces particules pénètrent dans l’organisme par l’eau et les aliments ingérés ou par l’air inhalé, elles produisent, même longtemps après leur émission, des doses élevées d’irradiation ponctuelle interne. Cette remarque est importante pour la compréhension de la suite et des suites de l’accident.

Explosion du réacteur de Tchernobyl (extrait du film La bataille de Tchernobyl)

Depuis le jour de la catastrophe, les irradiations ont été peu à peu supplantées par des contaminations de long terme et la situation radiologique évolue d’une manière que nul ne pouvait prédire. Deux exemples :

 Suite aux processus de désintégration du plutonium 241, la formation naturelle de l’américium 241, puissant émetteur de rayons gamma, va constituer un aspect important de la contamination de nombreux territoires situés jusqu’à un millier de kilomètres de l’explosion. A cause de cette désintégration progressive, les territoires dont le niveau de rayonnements gamma était faible sont devenus à nouveau dangereux.

 Par ailleurs, il y eut une forte redistribution des radionucléides dans les écosystèmes du fait de leur concentration par les organismes vivants (bio-accumulation) et de leur migration, après quelques années, dans les parties du sol où plongent les racines : ces radionucléides sont alors devenus de plus en plus accessibles aux végétaux, qui les reportent pour la deuxième fois à la surface du sol. C’est une des causes de l’expansion et de l’aggravation de la morbidité et de la mortalité atomiques dans les territoires contaminés.

Contamination de la végétation (extrait du film La bataille de Tchernobyl)

Quelques-unes des maladies provoquées par Tchernobyl

 La contamination radiologique de Tchernobyl a influé sur le fonctionnement de tous les organes du système endocrinien. L’effondrement de la fonction hormonale du thymus joue le rôle principal dans le développement de la pathologie du système immunitaire.

 Les maladies des organes circulatoires sont une des causes principales d’invalidité et de mort des « liquidateurs ».

 Le vieillissement accéléré provoqué par la catastrophe de Tchernobyl a déjà touché des centaines de milliers de personnes et en touchera des millions dans le futur.

 Le saturnisme est devenu une des pathologies importantes de Tchernobyl. En effet, entre 2 400 et 6 720 tonnes de plomb ont été déversées au cours des opérations d’extinction. Une partie importante de ce plomb a été rejetée dans l’atmosphère suite à sa fusion, à son ébullition et à sa sublimation dans l’incendie du réacteur.

En outre, les conséquences génétiques causées par la catastrophe de Tchernobyl toucheront pendant des siècles des centaines de millions de personnes, dont :

 celles qui ont subi le premier choc radiologique (irradiation externe forte et brutale), parce que la quantité des radionucléides rejetés dans l’écosphère fut infiniment supérieure et bien plus virulente que celle d’Hiroshima ;

 celles qui vivent, et vivront pendant les 300 ans à venir, dans les territoires contaminés par le strontium 90 et le césium 137, ou celles qui vivront dans les territoires contaminés par le plutonium et l’américium pendant des milliers d’années ;

 les enfants des géniteurs irradiés, pendant des générations, où qu’ils vivent par la suite.

Le secret, la falsification officielle des données et les malversations

Il n’y a pas de données instrumentées disponibles de la contamination de tous les pays d’Europe par l’ensemble des radionucléides de Tchernobyl, et désormais il n’y en aura plus jamais. S’appuyant sur ce manque, le rapport « Forum Tchernobyl » (2005) de l’AIEA et de l’OMS ne discute que des données concernant les territoires du Bélarus, de l’Ukraine et de la Russie d’Europe, passant sous silence la contamination des autres pays européens.

Or, même si la densité actuelle de la contamination n’est pas élevée dans un territoire, l’énorme contamination des premiers jours et des semaines qui ont suivi la catastrophe (on sait par reconstruction que, dans certains territoires, l’activité des retombées radioactives dépassait 10 000 fois les niveaux du fond naturel), jointe à la faible contamination persistant sur des décennies, ont pu influer et influeront considérablement sur la santé des habitants et sur l’environnement.

D’autre part, la suppression des institutions chargées d’examiner les suites pathologiques de Tchernobyl, le détournement des équipes de chercheurs de l’étude des problèmes engendrés par la catastrophe, le harcèlement et l’emprisonnement de certains médecins spécialisés, sont autant de tentatives concertées et persistantes pour cacher la vérité [7].

Aussi l’exigence avancée par les spécialistes de l’AIEA et de l’OMS de la nécessité d’une « corrélation certaine » entre la charge radioactive d’une personne concrète (jamais reconstituable avec précision, et pour cause) et l’atteinte à sa santé pour qu’il y ait démonstration évidente du lien de la maladie avec l’irradiation de Tchernobyl, relève-t-elle de manœuvres intellectuelles particulièrement malhonnêtes.

En plus de ces malversations, en ex-URSS, en Ukraine, au Bélarus, et au sein des principales organisations intergouvernementales concernées (CIPR, AIEA et OMS) les volontés de minimiser les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl sont légion. En voici quelques exemples.

 Dans aucun des livrets militaires des 60 000 militaires en service qui ont participé aux travaux de « liquidation » n’a été enregistré le dépassement de la norme de 25 rœntgens alors en vigueur. Mais l’examen clinique de 1 100 militaires liquidateurs a révélé chez 37 % d’entre eux les symptômes hématologiques de la maladie des rayons, indiquant à l’évidence que ces personnes ont reçu plus de 25 rœntgens.

 La médecine officielle n’a commencé à reconnaître la fréquence de la cataracte « tchernobylienne » que 8 ou 9 ans après sa découverte.

 Même chose en ce qui concerne le cancer de la thyroïde, la leucémie et les affections du système nerveux central.

Soins portés à un liquidateur (extrait du film La bataille de Tchernobyl)

Les conséquences de Tchernobyl sur la santé publique

En résumant sommairement les données publiées dans le rapport du CERI, la contamination radioactive de Tchernobyl a touché près de 400 millions de personnes (205 millions en Europe et environ 200 millions hors d’Europe). L’analyse des courbes de la morbidité générale des enfants vivant dans les territoires contaminés de l’ex-URSS est particulièrement désespérante : seulement 20 % d’entre-eux sont en bonne santé. Dans certaines régions du Polessié il n’y en a plus un seul. En Allemagne, les dents des enfants nés après la catastrophe contenaient 10 fois plus de strontium 90, tout comme on retrouve de l’uranium dans les dents de lait des enfants anglais résidant près de Windscale (depuis rebaptisé Sellafield) 53 ans après cette autre catastrophe atomique. Le nombre des victimes de Tchernobyl croîtra pendant plusieurs générations. Au cours des 15 premières années suivant la Catastrophe, il peut être estimé de la manière suivante :

Bélarus, Ukraine, Russie d’Europe 237 000

Reste de l’Europe 425 000

Asie, Afrique, Amérique du Nord 323 000

Monde entier 985 000 [8]

Enfant malade (extrait du documentaire Controverses)

Tchernobyl : une catastrophe nucléaire au temps de l’Anthropocène [9]

Les catastrophes atomiques ont ceci de particulier qu’elles délimitent toujours une fracture multidimensionnelle de l’histoire du vivant :

 La perte irrémédiable de tout un monde vivant sur d’immenses territoires, un printemps sans les cris des oiseaux, et des arbres roussis par un gigantesque et silencieux incendie.

 Une mortalité si nombreuse, et dans des conditions si inhumaines, que le travail de deuil s’avère impossible à réaliser, surtout « au temps de la mort sèche » [10].

 Un événement imprévu et inconcevable, qui dépasse nos facultés d’imagination, et dont les conséquences futures sont elles-mêmes imprédictibles.

 Des irradiés/contaminés subissant une atteinte aussi bien mentale que physique, dont certains effets s’étaleront sur plusieurs générations, pour donner naissance à des lignées d’êtres difformes.

Autrement dit, « un avant et un après » sans retour possible. Un trou dans la mémoire symbolique des humains, dans leur inconscient, ce qui nous prépare « un retour du refoulé » à la mesure de l’événement. Mais de plus, et c’est là le « double effet paradoxal » des catastrophes atomiques, elles n’ont pas de fin, pas de terme prévisible : c’est un monstre qui pousse et dévore de l’intérieur l’humanité, dont la morbidité persistante est difficilement évitable. La catastrophe atomique « colonise l’avenir et n’offre aucune possibilité d’échapper au destin tragique : aucune culture n’est prête à affronter ce pari » [11].

Le négationnisme et ses conséquences au temps de l’Anthropocène

Les Etats et les organisations intergouvernementales (UNSCEAR, CIPR…) ont délibérément minimisé les conséquences sanitaires de Tchernobyl : ce parti pris des jugements concerne également l’OMS [12] et sa fameuse thèse d’une trentaine de morts jusqu’en 2005. Mais il y a bien pire depuis le 6 août 1945 (cf. note 1 et note 15 de fin de texte).

Figures de la défaite déshonorante du Japon, les « hibakushas », assimilés aux pestiférés par peur d’une contagion fantasmée, furent l’objet de la honte publique, décourageant ainsi la plupart des rescapés de participer à un quelconque travail de mémoire, témoignages dont on a vu avec Primo Levi, Robert Antelme, David Rousset, Charlotte Delbo, Elie Wiesel, Jorge Semprun, Jean Améry et les autres survivants l’importance capitale dans l’Europe intellectuelle de l’après-guerre. Les édiles japonais procédèrent à une « reconstruction » rapide de la ville qui eut pour but d’effacer méticuleusement toutes les traces de leur défaite et… de ce crime effroyable. Contrairement à ce qui s’est produit pour la Shoah, vainqueurs et vaincus se sont associés pour aveugler l’humanité, avec succès jusqu’à ce jour, sur la nature des crimes commis à Hiroshima et Nagasaki. Un exemple : avec l’aide des autorités japonaises, les Etats-uniens ont mené sur place des études sur les conséquences de ces bombardements, études qui furent versées dans les archives secrètes de Washington, longtemps inaccessibles. En plus du mépris des victimes en souffrance dont cela témoigne, ce sont sur ces mêmes archives que les Etats et les organisations internationales se basent encore aujourd’hui pour nier les effets des faibles doses à long terme !

Hibakusha

Plus de traces, tel est le credo commun à tous les criminels et négationnistes (cf. ce qu’en dit plus précisément Günter Anders). Il en fut de même à Tchernobyl et en sera de même à Fukushima. Le travail de mémoire est ainsi forclos comme on tente d’enfermer un déchet radioactif dont on sait pertinemment qu’on en retransmet la dangerosité aux générations suivantes.

Un autre versant de la politique négationniste face à tous ces dangers consiste en un raisonnement de type scientiste qui les transforme en risques statistiques. Ce que vise à cacher cette manipulation intellectuelle du risque, c’est qu’en cas de catastrophe (« le risque résiduel »), ce sont toujours les Etats qui sont appelés à la rescousse car les moyens privés sont à l’évidence insuffisants pour y faire face. Mais depuis Tchernobyl et Fukushima les habitants de tous les pays de la planète doivent savoir qu’ils ne peuvent plus compter sur leurs gouvernements pour les protéger efficacement, ni avant et encore moins après une catastrophe atomique. C’est pourquoi nous pouvons dire que les populations du monde entier, après avoir été évacuées du choix politique – aucune société civile ne fut jamais consultée sur le nucléaire – courent le risque d’être évacuées de leurs territoires nourriciers, d’être « expulsées de leurs vies ».

La catastrophe de Tchernobyl aurait pu être encore plus grave

La catastrophe trouve son origine dans le projet inouï consistant à « expérimenter en vraie grandeur » : il s’agissait, dans le cas d’un arrêt d’urgence, d’utiliser le dégagement calorifique résiduel pour une production supplémentaire d’énergie électrique ! Autrement dit, le monde vivant est devenu le laboratoire à grande échelle de la technoscience (et ce, depuis longtemps). Mais le rejet du seul réacteur n°4 a provoqué une contamination des dizaines de fois supérieure à la contamination due aux bombes lâchées sur Hiroshima et Nagasaki, et le « nuage de Tchernobyl » a fait au moins deux fois le tour de la Terre, ce qui fait de Tchernobyl la plus grande catastrophe technologique de l’anthropocène à ce jour.

Mais il y a plus grave. Le Pr. Vassili Nesterenko, physicien nucléaire qui fut directement en charge des conséquences de la catastrophe, explique [13] que 1 400 kg [14] du mélange uranium-graphite au contact de l’eau constituaient une masse susceptible de provoquer une explosion atomique d’une puissance de 3 à 5 mégatonnes, soit entre 50 et 80 fois la puissance de l’explosion d’Hiroshima, si une quantité suffisante du corium, qui avait déjà percé la cuve du réacteur, avait transpercé la dalle de béton qui le séparait des masses d’eau contenues dans les sous-sols du réacteur. « Une explosion d’une telle puissance pouvait provoquer des radiolésions massives des habitants dans un espace de 300-320 km de rayon (englobant la ville de Minsk) et toute l’Europe pouvait se trouver victime d’une forte contamination radioactive rendant la vie normale impossible. […] Mon opinion est que nous avons frisé à Tchernobyl une explosion nucléaire. Si elle avait eu lieu, l’Europe serait devenue inhabitable. » [15].

Explosion du réacteur 1 de Fukushima Daiichi

Fukushima, une réplique de Tchernobyl

Au Japon, vu leur état, les systèmes de refroidissement ne pourront plus jamais être remis en service. Tandis que l’on injecte de l’eau borée dans les cuves et de l’azote pour inerter l’atmosphère des bâtiments, une énorme quantité d’eau y est quotidiennement déversée pour les refroidir afin d’éviter que les coriums transpercent l’enceinte et atteignent ces mêmes masses d’eau, ce qui pourrait être très grave. Et ce n’est pas un, mais quatre réacteurs, dont le n°3 qui fonctionnait au MOX [16] français, qui sont concernés. Sans parler des conséquences d’une éventuelle réplique sismique, que l’on ne peut malheureusement pas écarter vu l’emplacement de la centrale. Dans ces conditions, qui peut prédire les effets cumulatifs possibles de ce type de situation, au Japon ou ailleurs ? Or, ce qu’il fut possible de mettre en place à Tchernobyl pour éviter la catastrophe planétaire ne le sera vraisemblablement plus jamais nulle part sauf, peut-être pour quelque temps encore, en Chine.

En ex-URSS, il était possible d’enrôler 800 000 « liquidateurs », les services de secours civils de tout un immense pays, des centaines de pompiers, dix mille mineurs, une armée encore puissante avec ses dizaines de milliers de réservistes, et ce sur ordre du secrétaire du Politburo. Le déploiement de tels moyens ne sera plus possible dans d’autres cas similaires, et il est douteux que l’appel aux autres pays soit suffisant : en démocratie libérale, il y aura peu de volontaires pour mourir dans des souffrances que l’on sait atroces.

La perspective d’avoir à survivre en territoire contaminé ne peut être exclue

Dans les territoires contaminés par les dépôts de Tchernobyl, il est dangereux de s’occuper d’agriculture, il est dangereux d’arpenter les forêts, dangereux de pêcher le poisson et de chasser le gibier, il est dangereux de consommer les denrées produites localement sans contrôler leur radioactivité, dangereux de boire le lait et même l’eau. Tout ce qui constituait depuis des millénaires la plus sûre et la plus fidèle des sources de vie – l’air, les eaux naturelles, les fleurs, les fruits de la terre, les forêts, les fleuves et les mers – tout cela est devenu en quelques jours source de danger pour l’homme et l’animal. La catastrophe ukrainienne nous l’a enseigné, il faut également prendre en compte les effets délétères sur la santé des « faibles doses », inhalées ou ingérées via l’alimentation, qui vont ensuite se fixer dans l’organisme et produire leurs effets des années plus tard.

Les appareils automatiques de spectrométrie de radiation interne du corps humain, tels le SCRINNER en usage en Biélorussie, sont conçus pour mesurer l’activité des radionucléides dans le corps humain. Ces appareils devraient être d’usage courant dans tous les pays sous le vent de centrales atomiques en activité. Par ailleurs, dans de véritables prescriptions publiques à grande échelle, il faudrait préciser les avantages et les limites des pastilles d’iode et des mesures de confinement, les gestes qui sauvent, les « périmètres d’évacuation », les plans d’urgence… C’est pourquoi, dans tous les pays, les organisations de la société civile doivent considérer l’importance de la création d’un système de contrôles radiologiques indépendant du système officiel.

L’industrie nucléaire, une banalisation radicale du mal

A travers son concept de « banalité du mal », Hannah Arendt a démontré dans les années soixante que des crimes contre l’humanité avaient été perpétrés par des hommes ordinaires parce qu’ils ne se posaient pas de questions sur les fins de leurs « activités ». A partir du moment où ils étaient liés par un serment de fidélité à leur hiérarchie (ou à une idéologie, toutes choses qui sont aujourd’hui érigées en valeurs universelles par la raison calculatrice dans le monde du « travail » et ailleurs), ils tenaient ces activités pour légitimes.

Ce concept de « banalisation du mal » n’est pas issu de supputations sur une « nature humaine », mais bien d’une analyse socio-historique de ce qui s’est passé en Europe entre 1933 et 1945 et de ce qui en a préparé l’avènement. Soixante ans après, à moins de croire en un monde fixiste, il faut oser tirer les conclusions de ce qu’Hannah Arendt avait écrit.

Historiquement, la banalisation du mal occidental s’est répandue à grande échelle à partir du moment où le travail et les êtres humains ont été « industrialisés » avec l’appui massif de la technoscience, c’est-à-dire coupés de leur réalité nourricière, terrestre, pour être encasernés, prolétarisés, disqualifiés, déréalisés et finalement déshumanisés. A partir de ce moment, tout a été possible dans l’ordre de la banalisation et tout est devenu acceptable dans l’ordre du mal, puisque toutes les fins humaines ont été discréditées au seul profit de l’aliénation productiviste et marchande.

Les choses ne se sont pas arrangées depuis : cela est vérifiable sur tous les plans, y compris psychique [17]. Alors, il faut avoir le courage de dire que cette banalisation du mal est devenue omniprésente et que, en conséquence, nos sociétés ne sont plus que des « totalitarismes démocratiques » nous menant au(x) désastre(s) définitif(s), ce qui devrait être analysé comme tel dans l’ordre du politique. Porteuse de mort généralisée du vivant sur la planète, l’industrie nucléaire en est un exemple particulièrement frappant. Mais les gouvernements et la plupart des médias occidentaux (la guerre froide, qui devait durer quarante ans, y a bien pourvu) ont tout fait pour recouvrir, les 6 et 9 août 1945, cette défaite historique de l’humanité d’un épais manteau d’admiration et de dévotion devant le génie et la puissance des chercheurs, de la science, de la technique, de l’industrie… Un nouveau dieu est apparu ce 6 août 1945, à la puissance inquiétante certes, comme tous les dieux, et à la gloire duquel de nouveaux hymnes ont été forgés illico presto.

Le largage des bombes atomiques, puis « l’expérience Tchernobyl », furent non seulement un crime contre l’humanité mais, fait nouveau, un crime contre la Nature, ce que l’on appellerait aujourd’hui un Ecocide. Si le refoulement de ce type de catastrophe systémique pour l’écosphère persiste, il ne sera pas sans conséquences pour l’avenir de l’humanité et sa manière d’en écrire l’histoire.

Une conclusion s’impose donc : il faudrait mettre sur pied un tribunal international, du type de celui de Bertrand Russell, jugeant les crimes atomiques contre l’humanité à Tchernobyl et ailleurs, depuis le 6 août 1945 jusqu’à Fukushima en passant par Fallujah.

Ce texte a été signé par :

Paul ARIES, philosophe et écrivain, intellectuel de référence du courant de la décroissance. Dernier ouvrage publié : La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance.

Marc ATTEIA, docteur en mathématiques appliquées, professeur honoraire de l’Université de Toulouse, auteur de Le technoscientisme, le totalitarisme contemporain, Yves Michel, 2009.

Marie-Christine GAMBERINI, traductrice, référente de l’association Les Amis de la Terre France sur le nucléaire et l’énergie.

Alain GRAS professeur émérite de l’Université Paris I et directeur du Centre d’études des techniques, des connaissances et des pratiques, cofondateur de la revue Entropia, auteur de Le choix du feu. Aux origines de la crise climatique, Fayard, 2007.

François JARRIGE, maître de conférence à l’Université de Bourgogne, auteur de Face au monstre mécanique. Une histoire des résistances à la technique, imho, Paris, 2009.

Baudouin JURDANT, professeur émérite à l’Université Paris 7, traducteur de Paul Feyerabend, auteur de l’ouvrage Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, Ed. Les Archives contemporaines, Paris, 2009.

Paul LANNOYE, docteur en Sciences physiques, député européen honoraire, administrateur responsable du Groupe de réflexion et d’action pour une politique écologique (GRAPE) en Belgique, co-traducteur en français du rapport du CERI, éditions Frison-Roche.

Serge LATOUCHE, professeur émérite d’économie de l’Université Paris XI et objecteur de croissance, auteur de Vers une société d’abondance frugale ; Contresens et controverses sur la décroissance, Mille Et Une Nuits, Fayard, 2011.

Frédérick LEMARCHAND, sociologue, co-directeur du pôle RISQUES, Université de Caen, membre du Conseil scientifique du CRIIGEN. Coauteur de Les Silences de Tchernobyl et du film La vie contaminée, Conseiller de l’exposition internationale Il était une fois Tchernobyl.

Corinne LEPAGE, ancienne ministre de l’environnement, députée européenne, enseignante à l’IEP. Dernier ouvrage : La vérité sur le nucléaire ; le choix interdit, Albin Michel, 2011.

Stéphane LHOMME, président de l’Observatoire du nucléaire, auteur de L’insécurité nucléaire ; bientôt un Tchernobyl en France, Yves Michel, 2006.

Jean-Marie PELT, président de l’Institut Européen d’Ecologie et professeur honoraire de l’Université de Metz, dernier ouvrage : Heureux les simples, Flammarion, 2011.

Pierre RABHI, agriculteur, écrivain et penseur français d’origine algérienne, chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur, Pierre Rabhi est un des pionniers de l’agroécologie.

Jacques TESTARD, agronome et biologiste, docteur en sciences, directeur de recherche honoraire à l’Inserm ; ex-président de la Commission française du développement durable (1999-2003). Co-auteur de Labo-planète. Ou comment 2030 se prépare sans les citoyens, Mille et une nuits, 2011.

Jean-Marc ROYER, ingénieur, ex-cadre supérieur ADP, ancien dirigeant du syndicat de cadres SICTAM/CGT Orly, en cours de publication : Décoloniser l’imaginaire occidental. I. La science creuset de l’inhumanité.

[1] 100 Mt : Andreï Sakharov, Mémoires, Seuil, 1990, p 246. L’IRSN parle de 50 Mt.

[2] Comité Européen sur le risque de l’Irradiation (CERI), Recommandations 2003 du CERI, Ed Frison Roche, 2004. Synthèse et commande du rapport : www.euradcom.org. Pour le CERI, environ 65 millions de morts sont imputables à l’industrie atomique depuis 1945 !

[3] Claude Lorius, Voyage dans l’Anthropocène, Actes Sud, 2010.

[4] La grande majorité des informations qui suivent sont extraites du livre d’Alexeï V. Yablokov, Vassili B. Nesterenko, Alexeï V. Nesterenko, « Tchernobyl, conséquences de la catastrophe pour l’homme et la nature », annales N°1181 de l’Académie des sciences de New York, dont le choix de textes traduits en français est dû à Wladimir Tchertkoff avec la collaboration de Lisa Mouravieff. Version américaine partiellement consultable en ligne sur : http://books.google.fr/. D’autres sites en proposent le digest français.

[5] Dans ces bombes, il y avait quelques kilos d’uranium ou de plutonium contre plusieurs centaines de tonnes à Tchernobyl !

[6] Au moment de l’accident, l’activité de certaines « particules chaudes » atteignait 10 à 12 mille becquerels, ce qui pouvait provoquer la mort en quelques heures.

[7] Yuri Bandajevski fut arrêté en juillet 1999, prétendument dans le cadre des mesures d’urgence destinées à combattre le terrorisme. Arbitrairement détenu, puis accusé de corruption et condamné le 18 juin 2001 à huit années de prison, malgré la rétractation publique de son accusateur, au terme d’un procès digne de ceux des années 30, il fut incarcéré jusqu’en 2005. Vassili Nesterenko, directeur de l’Institut indépendant biélorusse de protection radiologique Belrad, qu’il a créé en 1989 avec l’aide d’Andreï Sakharov, Ales Adamovitch et Anatoli Karpov, a été menacé d’internement en asile psychiatrique par le KGB, a subi deux attentats, et est décédé le 25 août 2008 après une opération à l’estomac.

[8] Alexeï V. Yablokov, Vassili B. Nesterenko, Alexeï V. Nesterenko, op. cit. Ces chiffres ont été largement revus à la hausse soit par l’académie des sciences de NY, soit à la suite de la conférence internationale de nov. 2010 : La gazette nucléaire n° 259 février 2011, http://resosol.org/Gazette/2011/259...

[9] Ere caractérisée par le fait que l’homme en est devenu la force géologique principale (Georgescu-Roegen, A. Gras, J. Grinevald ou C. Lorius).

[10] Allouch Jean, Erotique du deuil au temps de la mort sèche, EPEL, 1995.

[11] Frédéric Lemarchand, sociologue, membre du Conseil scientifique du CRIIGEN, article du 17 mars 2011, Les Echos.

[12] Un accord a été signé en 1959 entre l’AIEA et l’OMS obligeant celle-ci à soumettre sa position à celle de l’AIEA dans tous les cas où le nucléaire est en jeu.

[13] Dans le film « Tchernobyl. La vie contaminée, vivre avec Tchernobyl » de David Desramé et Dominique Maestrali.

[14] Il reste encore en 2011 l’équivalent de quelques dizaines de tonnes d’uranium sous le sarcophage…

[15] Lettre du professeur Nesterenko à Wladimir Tchertkoff, Solange Fernex et Bella Belbéoch, janvier 2005.

[16] Combustible constitué d’un mélange d’oxydes d’uranium, mais aussi de plutonium, ce qui d’une part réduit les marges de sécurité (sa température de fusion étant plus faible et plus rapidement atteinte) et d’autre part accroît sa dangerosité, quelques milligrammes suffisant à déclencher une mort rapide.

[17] Melman Charles, Lebrun Jean-Pierre, La nouvelle économie psychique, une nouvelle façon de penser et de jouir aujourd’hui, Eres, 2009.

Signez la pétition !

http://www.tribunalrusselnucleaire.org/


Publié le jeudi 29 mars 2012.