Les visiteurs estivaux de notre région n’ont pas manqué de remarquer la présence de panneaux publicitaires de nouvelle génération à la gare Matabiau. De véritables écrans télévisuels qui s’activent à la détection d’un mouvement. Sur la plateforme de départs, en face de l’affichage des quais, jusque dans les sous-sols menant au métro, rien ne sert de lutter, vous n’y échapperez pas…Ces « Numéri-Flash », comme on les appelle, diffusent des images de publicité animées ou fixes (à quand le son d’ailleurs ?!!). Mesurant 90 cm de large pour 160 cm de hauteur, ils sont logés dans des caissons spéciaux et reliés au réseau par un câblage électrique.
Depuis juin 2013, on en dénombre pas moins de 15 dans les couloirs de la gare, en sus des 60 panneaux rétro-éclairés et des 40 panneaux illuminés que comptait autrefois la gare (ce chiffre ne comprenant pas les innombrables publicités sur les quais et propres à la SNCF).
L’arrivée dans ces lieux publics de ces nouvelles publicités suscite débats et questionnements à différents niveaux :
A l’heure où l’on prône la sobriété énergétique, l’avènement de ces nouveaux dispositifs n’est-il pas énergivore et leur installation est-elle justifiée ?
Ces panneaux sont dotés de capteurs faciaux capables de compter le nombre de personne observant l’écran, la partie de l’écran observée ainsi que le temps passé devant le panneau. Ces données collectées permettaient à l’annonceur de diffuser des nouvelles publicités sur les smartphones des passants. Il a fallu l’intervention de diverses associations (Résistance à l’Agression Publicitaire, Danger EcranPub) pour que la CNIL interdise la mise en fonction momentanée de ce dispositif.
Enfin, considérons un dernier point : mouvement, couleurs et luminosité sont trois ingrédients auxquels nos yeux obéissent machinalement. Ces appareils forcent le passant à regarder un objet qu’il ne souhaite pas regarder au départ. Ne s’agit-il pas là d’une nouvelle forme d’invasion de notre espace personnel, d’entrave à notre liberté ? Désormais, le citadin de demain n’aura plus l’opportunité de se balader paisiblement et le simple fait de prendre le métro sera une source de fatigue. Là encore, est-ce ainsi que nous voyons les villes du futur ?
Les affiches publicitaires n’ont cessé d’évoluer au fil du temps. De la simple annonce papier, nous sommes passés à l’affichage éclairé, puis rétro-éclairé, et aujourd’hui, la dernière trouvaille de nos génies du marketing : l’écran LCD !! La consommation de ce panneau est de 1000Wh (700Wh pour sa propre consommation et 300Wh correspondant à la consommation du système informatique nécessaire à sa gestion). Si on considère les horaires d’ouverture de la gare à 7000 h annuelles, la consommation d’un panneau équivaut à 7000KWh par an. Il y aurait près de 1200 panneaux en fonctionnement en France, on aboutit donc à une consommation de près de 8 400 000KWh par an !!! Quand on sait qu’un ménage moyen consomme environ 4700KWh par an, on en conclut que la mise en place de ces panneaux correspond à la consommation de près de 1800 ménages !!!
Et pourquoi tant d’énergie dépensée ? Pour nous faire consommer encore et toujours…
Mais avons-nous pris part à cette décision ? Avons-nous eu notre mot à dire quant à ces installations dans ces lieux qui nous appartiennent ? (près de la moitié des gares sont financées par nos impôts) NON
De plus, les nouvelles fonctionnalités de ces machines sont toujours plus intrusives : il s’agissait au départ, grâce aux deux caméras installées, de visionner le type de personne observant une publicité et, à partir de son apparence ou son appartenance supposées (âge, sexe, origine…) de diffuser une publicité tournée vers ses intérêts. La machine se permettait même de diffuser des publicités par Bluetooth sans accord préalable du passant. Ne voit-on pas le déni de démocratie ?! Où et quand le passant, la victime est-elle en capacité de donner son avis ? A Toulouse, on ne peut pas faire 10m sans croiser une publicité.
Toutes ces raisons ont poussé des collectifs anti-pub à s’insurger, ce qui a retardé la mise en place de ces écrans dans nos gares (une première tentative avait été réalisée en 2008). Mais les collectifs ne sont pas les seuls à se soulever, on dénombre près d’un tiers de panneaux vandalisés depuis leur installation (dégradations allant du simple tag à la vitre brisée).
L’arrivée de ces nouveaux supports est symbolique de la civilisation dans laquelle nous vivons : si des individus, de manière indépendante, se révoltent contre ce type de dispositif, c’est qu’ils en ont marre d’être pris pour des vaches à lait, que le moindre espace vide soit réquisitionné pour les inciter à acheter, qu’on leur impose une agression visuelle constante sans jamais leur demander leur avis.
N’oublions jamais que nous avons toujours la possibilité de choisir la forme que prendront les villes de demain. Un site http://zerowatt.c.la/ propose des kits du parfait « citoyen résistant à la pub » . L‘association résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) cherche à mobiliser des groupes locaux pour mener des actions citoyennes. Il est possible de les contacter au 06 76 34 86 49 ou par mail khaled.gaiji (chez) antipub (point) org. Des moyens de lutter contre ces invasions existent, utilisons-les.