Le 24 octobre 2016
Une information sibylline est portée par de nombreux médias sur un dépassement du seuil réglementaire de rejets radioactifs dans l’atmosphère « durant deux minutes » depuis la centrale atomique de Golfech [1]. L’annonce est tardive puisque le rejet intempestif s’est produit 5 jours plus tôt.
Dans un communiqué, le gendarme du nucléaire valide l’insignifiance du problème en le classant au niveau zéro de l’échelle internationale INES tout en précisant : « Du fait de la durée limitée du rejet, cet événement n’a pas eu de conséquence réelle sur le personnel, sur l’environnement et sur la sûreté de l’installation. »
Les antinucléaires locaux et du Réseau Sortir du Nucléaire sont cependant inquiets et annoncent qu’ils étudient l’éventualité d’un dépôt de plainte : ils sont en effet alertés par le fait qu’il s’agit d’une fuite sur un circuit de traitement des polluants du circuit primaire. Le liquide de refroidissement primaire circule en effet à grande vitesse au contact des gaines de combustible qui le contamine.
Bizarrement, suite à ces actions, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) lance des interventions vers Edf Golfech :
Dans un premier temps, l’Autorité effectue une inspection (document aussi téléchargeable ci-dessous) sur le site de Golfech dont l’objectif était « d’analyser les circonstances ayant conduit à l’événement significatif pour l’environnement et d’examiner les actions d’investigations et les mesures correctives entreprises par le CNPE de Golfech. » Dans son courrier au directeur d’EDF Golfech, l’ASN demande des comptes par rapport aux soupapes de sécurité qui ont libéré le liquide radioactif dans le bâtiment des auxiliaires nucléaires, ainsi que sur l’alarme de niveau haut du dégazeur qui ne s’est pas enclenchée. Comme son nom l’indique, le dégazeur est un réservoir de 520 Normo m3 (soit 520 000 litres à une température de 0 °C sous une pression de 1 bar) dans lequel le liquide est chauffé afin de séparer les gaz radioactifs. L’Autorité demande également des comptes sur la mise en œuvre du dégazeur. C’est en effet la mise en route manuelle du remplissage depuis la salle de commande de ce réservoir qui a entraîné son débordement et la pollution qui s’en est suivie. Selon l’Autorité, l’opérateur (le salarié) n’est pas incriminable dans la mesure où, en plus de l’absence d’alarme, il a été interrompu durant son intervention pour réaliser une autre tâche.
Dans un deuxième temps, les inspecteurs ont effectué des contrôles (document aussi téléchargeable ci-dessous) sur les « dispositions relatives au suivi en service des équipements sous pression nucléaires (ESPN) ». Après des examens réalisés par sondage, ils considèrent que l’organisation du site est globalement satisfaisante pour l’application de cet arrêté. Les inspecteurs constatent cependant une différence importante entre les rejets potentiels en radionucléides calculés par EDF et ceux mesurés par les capteurs de la cheminée. Même si l’efficacité de la mesure à la cheminée est discutée par les antinucléaires - suite à un niveau très élevé d’activité radioactive susceptible d’avoir saturé les sondes de mesures - l’activité à cette cheminée aurait été de 136 Gbq alors que celle calculée par EDF serait... quarante quatre fois inférieure !
Hélas ! nos craintes sont justifiées
Grâce aux éléments de réponses très incomplètes d’EDF à nos questions [2], nous découvrons plusieurs éléments qui confirment que nos craintes de départ étaient justifiées :
– le circuit primaire est très contaminé, signature d’un problème grave sur des gaines de combustible, dès le redémarrage du réacteur après son rechargement au mois de juin dernier. EDF fait donc tourner à fond l’unité de nettoyage du liquide primaire et c’est au cours d’une de ces opérations que ce produira la pollution atmosphérique. Si EDF n’effectuait pas ces nettoyages, les niveaux de contaminations du circuit primaire seraient tels qu’ils imposeraient l’arrêt du réacteur... et pendant ce temps les filtres pollués grossissent les volumes de déchets radioactifs.
– l’accident a fait distribuer dans l’atmosphère de nombreux radioéléments (Voir les deux documents ci-dessous) dont certains, dits à vie courte et très courte, ont été rejetés sans décroissance radioactive : la loi stipule pourtant qu’ils doivent être stockés dans un réservoir -loi contournée pendant le problème- durant au minimum un mois avant leur rejet dans la nature.
L’environnement proche et lointain de Golfech s’est trouvé contaminé plus largement et plus intensément qu’à l’habitude avec des particules encore plus radiotoxiques.
Des travailleurs, des riverains ont été irradiés ou contaminés suite à ce problème et deviendront de nouvelles victimes anonymes de l’atome avec des maladies sur lesquelles il sera facile de mettre un nom, mais dont l’origine restera inconnue... cependant la science progresse et les coupables pourront bientôt être confondus.
En attendant, il y a trois ans, le Réseau Sortir du Nucléaire et les associations antinucléaires autour de Golfech, dont les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, ont conjointement fait condamner EDF Golfech pour pollution radioactive de la nappe phréatique.
A travers la nouvelle plainte contre X qu’ils viennent de lancer, nous ferons immanquablement à nouveau condamner EDF pour ses rejets radioactifs atmosphériques hors la loi.
Source : Centrales nucléaires du palier 1 300 mW, textes du RAPPORT DE SURETE communs à toutes les tranches du pallier, édition publique :
Documents de l’ASN :