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Journée sur l’Eau potable - résumé




Une eau potable... à quel prix ? ou comment préserver la qualité de l’eau ?

Nous vous proposons un résumé de la journée organisée le 30 septembre 2023 par Eau Secours 31 à Toulouse :

I - Les menaces qui pèsent sur l’eau et sa qualité

Intervenants :
Samuel TEISSIER, docteur en écologie aquatique continentale : Quelques repères sur le cycle de l’eau et l’influence du changement climatique
Thierry USO, Eau Secours 34/FNE Occitanie­ Méditerranée/ Mouvement Européen pour l’Eau :
Réglementation française sur la qualité de l’eau en application des directives européennes
Cécile STRATONOVITCH, pédiatre et pédopsychiatre, Alerte Médecins contre Les Pesticides (AMLP) : Pesticides, nouvelles pollutions et santé...

Samuel Tessier : fragilité et rareté de la ressource en eau potable accentuée par le réchauffement climatique. En effet, 60 % de la pluie provient de l’évapotranspiration terrestre. Les arbres créent la pluie, pluie qui fait pousser les arbres et le cycle se poursuit ainsi sur les continents (eau verte).
Sur une même rivière, il devrait y avoir une solidarité de l’eau car chaque ville crée des rejets dans la rivière qui arrive ensuite à une autre ville en aval qui elle-même crée d’autres rejets (eau qui se charge de plus en plus en pollution au fur et à mesure). Avec le dérèglement climatique, en année sèche, les grandes rivières perdent 20 à 40 % d’eau. De plus, le dérèglement climatique fait que les évènements climatiques extrêmes se multiplient (sécheresses hydrauliques, inondations). Et il y a baisse de la dilution des polluants. Plus la ressource en eau est rare, plus elle est concentrée en polluants.

Thierry Uso : La réglementation française concernant l’eau s’adapte à la réglementation européenne.
La directive cadre de l’eau de 2000 voulait prévoir un retour à un bon état quantitatif et qualitatif en 2015. Cela a été repoussé à 2027, mais on sait que ce ne sera pas tenu non plus.
Il est noté que le processus législatif de l’Union européenne est assez opaque mais en amont, il y a des avis et des consultations. La directive eau potable de 2020 a été transposée pour les états en janvier 2023. (Révision des normes et des paramètres, contrôle des matériaux au contact de l’eau, plan de gestion pour la sécurité sanitaire, plus d’information pour les usagers et accès à l’eau pour tous). Voir le dossier gouvernemental français.
La limite de qualité devrait avoir une valeur impérative avec interdiction de consommer, mais il y a de nombreuses dérogations accordées. Cependant, de nouveaux paramètres sont notés par l’ANSES : 3 familles de pesticides (supérieur à 50 % dans les eaux brutes ; le chlorothalonil, le métolachlore ESA (interdit depuis 2003), des résidus d’explosifs, du dioxane, des pollutions dues au PVC.

Cécile Stratonovitch : il est maintenant bien connu que la maladie de Parkinson est liée aux pesticides ; donc, il y a nécessité de rester en alerte sur la qualité de l’eau.
Cependant, on note une multiplication croissante des substances dans l’eau (pesticides, plastiques, médicaments, chlorures de vinyle, explosifs, hydrocarbures et métabolites, métaux lourds, nitrates). Or, la France est le 1er consommateur en Europe de pesticides. La Haute-Garonne est particulièrement touchée (métolachlore, AMPA glyphosate, atrasil, imazanos nouvel OGM). Il y a augmentation de la non conformité des eaux et augmentation des jours de dépassement des seuils. Les polluants se retrouvent dans toute la chaîne alimentaire depuis les plantes jusqu’à nous. Il faudrait empêcher cette bio-accumulation. Quels effets ont des CMR (substances chimiques) sur l’homme ? Développement des cancers, problèmes de reproduction, différents registres de toxicité. Par exemple, le glyphosate a une neurotoxicité, cérébrale ou nerveuse et une toxicité métabolique. Les CMR proviennent des produits pétroliers, des pesticides, de l’industrie chimique et du chrome. Les perturbateurs endocriniens altèrent la fonction endocrine, surtout sur le fœtus, mais aussi pendant la petite enfance et l’adolescence. Ils perturbent et provoquent des cancers, jouent sur les hormones et ont des atteintes transgénérationnelles. Ils causent des problèmes de neuro-développement. On peut dire que la période fait le poison (il y a des moments de la vie où il ne faudrait surtout pas être exposé à ces produits) ; il y a bien effet cocktail ; la dose ne fait pas le poison. L’étude Nutrinet a montré que la consommation de produits bio fait qu’il y a moins de cancers et moins de lymphomes. Pour finir, l’écotoxicité est démontrée aussi sur les animaux.
Que faudrait-il faire ?
 Élargir à 1 kilomètre les zones sans traitement (aujourd’hui à 5 mètres)
 Protéger les bassins versants
 Assurer une meilleure surveillance des eaux
 Assurer une meilleure réactivité par rapport aux dépassements de seuils
 Interdire les substances dangereuses
 Avoir une évaluation indépendante

II – Améliorer la qualité de l’eau : défi technologique ? Politique ? Démocratique ?

Intervenants :
Mathieu SPERANDIO, Ingénieur INSA : Face aux changements globaux, aux nouvelles pollutions, comment de nouvelles approches peuvent être imaginées
Jean Claude OLIVA, Coordination EAU Île­ de­ France : L’osmose inverse, fausse-bonne réponse mais technologie lucrative ? Les alternatives pour garantir une eau potable de qualité.
Samuel TEISSIER, Docteur en écologie aquatique continentale : D’abord, protéger la ressource !

Mathieu Sperandio : les limites planétaires sont atteintes dans une proportion irréversible. Le cycle de l’azote a été multiplié par deux dans l’atmosphère. Depuis 2022, en Occitanie, il y a une forte pression sur l’eau. Il y a la question de l’eau verte qui est affectée par des sols trop imperméabilisés dans l’agriculture et en ville. L’homme a une responsabilité concernant cette eau verte. Quelle est l’empreinte eau de la France ? Elle a des conséquences critiques dans certains bassins versants ; les régions les plus impactées dans le monde sont la Mer d’Aral (dû à la production de coton), puis la Garonne (dû à la culture du maïs et du soja).
Donc, il faut se préparer. Il y a baisse des débits d’étiage.
L’eau pure en France n’existe plus. Il y a baisse de la pollution organique, baisse de la concentration en métaux, l’azote reste stable, le phosphore a augmenté à cause d’une hausse d’utilisation agricole, hausse de la concentration en médicaments, hausse de la teneur en pesticides.
Que faudrait-il faire ?
 Scénarios agricoles (Solagro 2050) : · arrêt du labour car sinon érosion des sols
· Faire des semis directs
· Arrêt des pesticides
· Faire des choix alimentaires : consommer moins de viande
· Aller vers l’efficience et la sobriété : acheter moins de coton, baisser la consommation de 20 %, diminuer les fuites, dés-imperméabiliser
· Arriver à une consommation de 68 L / jour /personne au lieu de 150 L actuellement en France. Sur 150 L, 41 L vont dans les toilettes, 36 L vont pour la douche
· Effectuer la séparation des eaux à la source : faire que l’eau des toilettes et l’eau polluée par des médicaments n’aille plus à la station d’épuration
· Sortir du tout à l’égout

Joël Josso : La production d’eau privée est en baisse ; elle est en difficulté. Par conséquent, les entrepreneurs cherchent des solutions technologiques qui rapporteront. Mais c’est une fuite en avant technologique, et ce ne sera plus le pollueur–payeur, ce sera le pollué–payeur. Ils préconisent le système d’osmose inverse. Avec cette technologie, des membranes à haute performance filtrent tout ce qu’il y a dans l’eau, y compris les sels minéraux. On obtient de l’eau ultra pure. Mais il y a hausse de 20 % de la consommation électrique. Or on devrait aller vers la sobriété. Pourtant, les restes (concentras) sont rejetés plus bas dans la rivière. Mais c’est illégal car polluant. Mais nous avons besoin des sels minéraux. Ce système a été vendu à la ville d’Auxerre.

Samuel Tessier : La dégradation de la ressource en eau en Adour-Garonne est due aux nitrates et aux pesticides qui sont en fait des biocides, autrement dit des poisons.
Pour préserver la ressource, il faudrait pour l’aspect qualitatif :
 En agriculture : diminuer l’usage des pesticides ; diminuer l’usage de produits vétérinaires
 En ville : créer des zones de rejets végétalisées ; améliorer la qualité des eaux pluviales
Pour l’aspect quantitatif, changer l’aménagement des territoires et modifier les pratiques agricoles.
Car en ce moment, il y a intensification du drainage et le cycle de l’eau est trop rapide vers la mer.
Quels sont les pièges à éviter :
 L’artificialisation
 La destruction des milieux humains
 L’extraction des granulas
 La dégradation des sols
 Le drainage des parcelles
 Le compactage des sols
Cela provoque des cycles sécheresse / inondations.
Ainsi, en agriculture, il faudrait éviter le ruissellement et l’érosion. La porosité du sol est construite par ses habitants. Il faut donc éviter de labourer et les nourrir par des couverts végétaux en inter-culture. Puis, le couvert est écrasé avant floraison et c’est là-dessus qu’on doit semer. Il faudrait adopter en culture principale le blé, l’orge, le colza et le tournesol.

III – Table ronde des luttes

Un représentant de Stop gravières qui réunit le Comité écologique Ariégeois, la LDH, Eau secours 31, la Confédération paysanne, Extinction rébellion.
Il y a un projet d’extension de l’exploitation des gravières d’Ariège de 30 %, par l’usine Lafarge.
Cela signifie augmentation de la rotation des camions ; évaporation de la nappe phréatique.
Un problème quantitatif se pose : c’est l’eau qui alimente l’Ariège puis la Garonne de laquelle dépend pour l’eau potable la métropole toulousaine. Un problème qualitatif se pose également : dans les gravières, on recycle les déchets du bâtiment. Ces déchets sont dits inertes et autorisés par le code minier. Cependant, ils sont interdits par le code de l’environnement ! Une étude a montré que le béton, plus l’eau, créent une pollution aux alumines qui rend l’eau non potable. Mais l’état ne le reconnaît pas.
Ici, la lutte a consisté à attaquer l’arrêté préfectoral. Les requérants ont perdus. Mais ils ont fait appel. Il faut sensibiliser le public, déclencher une pression populaire. Il y a eu l’évènement « Au fil de l’eau » avec une descente de l’Ariège en canoë et manifestation à Toulouse jusqu’à la Préfecture.
Il faut faire le lien avec l’autoroute A69.

Sylvie Nony, représentante de Secrets toxiques : il faudrait prévenir les impacts des pesticides sur la santé et sur la biodiversité. Les pesticides sont à l’origine de cancers de la prostate, de la maladie de Parkinson et de troubles du développement des enfants.
Sur les étiquettes des produits, tout n’est pas spécifié. Les molécules contiennent : la substance active, les co-formulants et les impuretés et adjuvants. Et l’on parle d’effets cocktail.
Des informations incomplètes sont données par l’industrie et par l’ANSES. Les études reconnues sont celles des industriels ; les études de chercheurs et de scientifiques sont rejetées comme non conformes par l’ANSES !
Qu’est-ce que la campagne Secrets toxiques ? Voir ici : https://secretstoxiques.fr

Jacques Dandelot, représentant des Faucheurs volontaires : Depuis 2008, il y a moratoire en France sur la culture du maïs à OGM. Ceci grâce à la lutte des Faucheurs volontaires qui, depuis 2003, ont détruit des cultures de maïs et de tournesol. Il y a eu procès où les accusés jouent collectif et ainsi se répartissent les peines.
Cependant, le maïs transgénique est importé en France pour nourrir les animaux. Il entre ainsi dans notre chaîne alimentaire.
Et aussi, depuis 2010, il y a culture de plantes mutées (colza et tournesol) pour qu’elles résistent à des herbicides ou pour qu’elles génèrent un pesticide. Il n’y a aucune traçabilité car ceci est exclu de la législation Européenne sur les OGM. On parle d’OGM cachés. Il y a une requête au Conseil d’État. En 2020, le Conseil d’État a fait une injonction au gouvernement français, mais celui-ci n’a pas répondu. En ce qui concerne la lutte, elle a pris une autre forme car ces plantes sont difficiles à déceler. Par conséquent, les Faucheurs volontaires ont détruits des sacs de graines OGM dans des entrepôts de coopératives agricoles. Il y a un procès en cours avec 28 personnes. Il y aura un procès à Carcassonne le 8 novembre 2023 à 9h. Eau, terre, pesticides, tout est lié. Reprenons la terre pour de l’agriculture biologique !

Nucléaire et canicules, les conséquences sur l’eau : par Marc Saint-Aroman des Amis de la Terre MP et Christophe Legalle.
Il y a baisse d’étiage de la Garonne et va perdre 20 à 80 % à l’avenir.
A l’été 2023, l’ASN a autorisé le dépassement des seuils thermiques de rejet de l’eau pour 3 semaines à 30°C. Or ceci a un impact sur la faune et la flore ainsi que sur les éléments pathogènes présents dans l’eau. De plus, il y a nécessité de beaucoup de chimie pour nettoyer au niveau d’une centrale nucléaire. L’eau qui est déversée n’est pas la même que celle qui est prélevée. Et puis 20 % de l’eau n’est pas restituée.
Quelle est la pollution de la Garonne au niveau de Golfech ? Il y a du tritium en quantité supérieure à l’autorisation, du carbone 14 et de l’iode. Le laboratoire de la CRIRAAD a analysé les végétaux en amont et en aval de la centrale. En amont, il y a 3 fois moins de becquerels qu’en aval. Or, le tritium provoque des modifications génétiques. La norme dit qu’il ne faut pas plus de 100 becquerels dans l’eau du robinet. À Agen, ce seuil est dépassé et cela court 100 kilomètres plus en aval. La production agricole est contaminée. En fait, dès les premiers becquerels, il y a des risques pour la santé. Mais les conséquences locales de la pollution ne sont jamais relayées par la presse.
Il faut savoir qu’un EPR consomme 2 milliards de m³ d’eau par an. Même à l’arrêt, il consomme de l’eau. Huit jours après la catastrophe de Fukushima, l’eau était déclarée comme potable. Victoire des Amis de la terre Midi-Pyrénées : la justice a condamné EDF pour un très important rejet de gaz radioactif dans l’atmosphère à la centrale nucléaire de Golfech en 2016.


Publié le jeudi 12 octobre 2023.