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Barrage de Sivens : l’entêtement irresponsable du Conseil Général




par Sébastien Sajas

Après 5 mois d’un long silence, le Conseil général du Tarn, vient enfin de répondre aux opposants à ce projet de barrage. Une amorce de dialogue ? Pas vraiment. Son président, Thierry Carcenac, considère qu’il n’est plus possible de dialoguer avec des personnes opposées à ce projet. Le débat public mené en catimini et le vote du Conseil Général basé sur les chiffres contestables fournis par la CACG (à la fois bureau d’études et réalisatrice du chantier) suffiraient. De plus, si les travaux ne commencent pas cette année, les fonds européens dédiés à ce projet seront perdus. Depuis le temps (plus de 20 ans) que la CACG et les milieux agricoles productivistes attendent cet ouvrage, il ne s’agirait pas de tergiverser dans la dernière ligne droite. D’ailleurs, un message de « fermeté » avait été passé au mois de janvier lorsqu’une vingtaine d’hommes, certains cagoulés, avaient saccagé la « Métairie Neuve », cette ferme abandonnée réhabilitée par les « zadistes » du Testet. Cette milice souhaitait de toute évidence terroriser les opposants sur le site et faire monter la pression sur les pouvoirs publics qui avaient raté la première tentative de déboisement en novembre (voir l’article de la feuille verte n° 238). Fini le temps du débat et de la justice, le message est clair : le barrage est une nécessité pour sauvegarder la maïsiculture irriguée de la vallée du Tescou.

Le 25 janvier, le collectif du Testet avait organisé un grand débat public à Lisle-sur-Tarn sur l’avenir agricole de la région. Il souhaitait répondre à ceux qui caricaturent leurs positions en affirmant que les opposants sont « contre tout » et « pour rien ».
Derrière ce projet de barrage il y a pourtant une volonté de ne rien changer. Maïs, intrants polluants, irrigation intensive sont les piliers d’un modèle agricole encore dominant, hérité de la seconde moitié du XX° siècle mais qui craque de partout dans un espace économique désormais mondialisé. Aujourd’hui, où règne la seule compétitivité, le maïs irrigué français et son principal débouché (l’élevage) sont très sérieusement concurrencés par les grands pays agricoles d’Amérique du Sud . En Argentine, en Uruguay ou au Brésil, soja et maïs transgéniques couvrent des millions d’hectares et nourrissent d’immenses usines à viande (bœufs, poulets) qui exportent massivement vers l’Europe, à des prix défiants toute concurrence bien entendu. Dire aux agriculteurs et éleveurs français qu’ils pourront lutter face à ces mastodontes revient à les mener droit dans le mur. Malheureusement, la catastrophe est déjà en cours dans certaines régions spécialisées comme la Bretagne (poulet, porc). Hélas, nos politiques et les chambres d’agriculture ne proposent qu’une fuite en avant vers toujours plus de productivité en « offrant » des grands équipements comme le barrage de Sivens.

La perpétuation de ce modèle agricole est encore possible grâce au contrôle sur les subventions et les aides publiques qui permet de maintenir artificiellement ces conditions de production. Pour la vallée du Tescou, le Conseil Général du Tarn, la région Midi-Pyrénées et l’Europe investissent près de 20 millions d’euros sur vingt ans (construction et entretien) pour ce barrage. Une vingtaine d’agriculteurs irrigants pourront ainsi pomper pour presque rien (taxes symboliques) l’eau du Tescou. Ce n’est pas comme ça que l’on va remettre en cause les pratiques agricoles. Pourtant, les alternatives existent et sont déjà expérimentées ailleurs. Si l’on veut maintenir l’élevage, le sorgho peut remplacer le maïs pour nourrir les bêtes. Il résiste mieux à la sécheresse et reste moins gourmand en eau. La solution idéale reste néanmoins de réduire significativement notre consommation de viande, produit à l’empreinte écologique forte à cause des surfaces importantes de céréales ou plantes fourragères qui lui sont nécessaires (9 kilos de céréales pour obtenir un kilo de bœuf).

Enfin, ce barrage témoigne de l’illusion d’adapter la ressource en eau aux besoins de l’agriculture productiviste alors que le changement climatique impose plutôt l’inverse. Les pouvoirs publics auront beau construire des barrages grandioses, s’ils ne se remplissent pas cela reviendra à gaspiller un argent qui aurait pu financer la reconversion de fermes ou la structuration de filières locales d’approvisionnement pour les établissements scolaires et les maisons de retraite. Ils ne semblent pas avoir tiré les leçons des difficultés de remplissage du barrage de Thérondel (plafonnant à 50 % de sa capacité en 2012 ) dans le département voisin du Tarn-et-Garonne.

A l’heure où vous lisez ces lignes, le déboisement du site a peut-être déjà eu lieu. Possible légalement dès le 10 mars, le Conseil Général et la préfecture n’hésiteront pas cette fois-ci à mettre le paquet sur les effectifs policiers pour neutraliser les manifestants (pourtant non-violents) et le mener à terme. Le mois dernier, l’expulsion de la « bouillonnante », 2° campement des zadistes, avait été l’occasion de mobiliser plusieurs dizaines de gendarmes d’élite.

Une fois la machine lancée, il est bien sûr plus difficile de l’arrêter mais ce n’est pas impossible. Nous les Amis de la Terre Midi-Pyrénées, avons décidé de reprendre le combat juridique avec le Collectif du Testet et d’autres associations partenaires devant le tribunal administratif de Toulouse. Nous déposons un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté inter-préfectoral déclarant d’utilité publique les travaux et les mesures compensatoires relatifs au projet de barrage de Sivens. C’est une requête sur le fond qui demandera certainement plusieurs mois pour être examinée (et n’empêchera donc pas le déboisement) mais, si elle aboutit, elle rendra impossible les expropriations pour que débutent les travaux ou frappera d’illégalité le barrage s’il venait à être construit. Ce scénario n’est pas de la pure fiction comme l’atteste l’exemple du barrage des Plats dans la Loire. En novembre dernier, après plus d’une année de procédure, le tribunal administratif de Lyon a annulé l’arrêté de la préfète de la Loire autorisant les travaux de réhabilitation de ce barrage. Le juge s’est appuyé sur l’argument du défaut d’information des élus locaux qui ont validé le projet. Des solutions alternatives existaient pourtant. Défendues par des associations, elles auraient aussi pu permettre d’économiser des millions d’euros. On dit que les écologistes ont souvent raison trop tôt mais c’est toujours reconnu trop tard.


Publié le samedi 1er mars 2014.