par Pierrette Thirriot
Il est pathétique d’observer l’acharnement désespéré de nos élus divers, en tête desquels les Présidents des Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, rêvant d’un projet qui naquit au siècle dernier, le siècle de la « Grande Vitesse », de la « Croissance », gage d’un avenir radieux pour tous grâce à une économie florissante, la disparition du chômage, de la pauvreté, des SDF.. tout cela à la vitesse GRAND V. On ne fera pas l’injure à nos élus d’insister : la réalité est bien différente de la fiction.
Bien entendu devant l’entêtement déraisonnable des élites les citoyens-contribuables ont bien le droit de s’interroger, car ce projet est fort coûteux, les finances du pays et des régions sont dans le rouge et les contribuables que l’on ne consulte jamais s’emparent à leur tour de cette affaire, l’étudient, la contestent et proposent une alternative crédible.
« Toulouse à 3 h de Paris » : RFF le proclama le temps d’une campagne publicitaire en gare de Toulouse il y a plus d’un an. 3 heures ? ce serait au mieux 3 h10, mais ne chipotons pas, et précisons que ces trois heures dix idéales ne seraient possibles qu’en cas de train sans un seul arrêt sur la ligne Toulouse/Paris, sans neige, sans canicule, sans grève etc.. Rejoindre la grande Métropole Régionale A TOUTE ALLURE est le rêve des élus de tous bords de Midi-Pyrénées. Pendant un temps l’enthousiasme régna, mais, réflexion faite, les uns après les autres, les Présidents de Conseil des départements refusèrent de mettre la main à leur porte-monnaie pour ce genre de projet mondain qui obsédait les grands élus des grandes métropoles mais les laissaient eux avec "leurs difficultés sociales, TGV ou non.
Cependant, quelques résistants s’enferrent : le Président Malvy (77 ans), le Président du Conseil Général de la Haute Garonne (bientôt 80 ans) le président du conseil général du Tarn-et -Garonne, inamovible patron du quotidien unique de la région, et quelques autres : les élus de la Ville de Toulouse, du Grand Toulouse, du Grand Montauban... Chacun donc apportera son obole dans la corbeille encore bien vide de la mariée à la belle ligne dont les prétendants avides veulent partager les charmes (VINCI étant invité à la noce puisque le projet est ce que les initiés appellent PPP (Partenariat Public-Privé), ce qui signifie que si la ligne est rentable, c’est la partie privée qui empochera les bénéfices, mais si elle ne l’est, pas ce sera le contribuable qui en paiera les déficits).
Des centaines de milliers de citoyens s’opposent à cet avenir périlleux et se sont aperçus qu’il y avait une autre solution pour foncer rapidement vers Paris : pour 15 minutes de temps de trajet supplémentaire, on réalise près de 6 milliards d’euros d’économies, on sauve 3 000 ha de terres fertiles, on protège les paysages et on préserve le silence dans les campagnes... Les agriculteurs ne veulent pas de l’argent qu’on leur offre, ils veulent garder leur exploitation, leur mode de vie. "RENOVONS LES
LIGNES EXISTANTES« . Tout de même, 6 milliards d’économie, cela ne se trouve pas sous le pas d’un cheval... mais les élus ne veulent pas en entendre parler, ils disent que c’est une »proposition militante", donc à priori mauvaise ! Etc.
L’étude alternative de la rénovation des lignes existantes, commandée par le Président du Conseil Général du Lot-et- Garonne (PS) a fini par décourager les derniers départements qui hésitaient à participer au financement, en particulier le Gers et le Lot-et-Garonne. Les autres ayant déjà dit NON depuis des mois, sauf, comme nous l’avons déjà précisé, la Haute-Garonne et le Tarn-et-Garonne. Imaginez un voyageur du Lot qui pour aller « plus vite à Paris » ferait un détour de 148 km qu’il paierait bien
sûr au rythme des augmentations du billet. Pas très attrayant !
Il filtre assez peu d’informations sur ce projet dans le journal unique ; quelques articles mettent le doigt sur les zizanies du tracé de la ligne à grande vitesse. Le langage des sigles sert parfois à noyer le poisson et à semer la confusion.. Donc, les Toulousains sont censés être d’accord pour aller plus vite à Paris. Circulez y’ a rien à voir.. vous êtes priés d’obtempérer. Or combien de voyageurs utilisent le TGV : 7% !! C’est-à-dire que les 93% des usagers s’offrent l’inconfort, les retards, les incidents, les grèves des TER, les caprices horaires des inter-cités ou leur suppression intempestive. L’augmentation du billet, elle, sera par contre très égalitaire : 2,30% pour tous. C’est ce qu’on appelle « la répartition juste de l’effort » quel que soit l’inconfort. Quant aux prévisions de la facture finale : on dirait la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf... Elle gonfle, elle gonfle, elle va finir par éclater.
Nous pouvons d’ores et déjà vous donner quelques prévisions pour notre région. Nous ne pouvons pas vous dire par contre si une partie de cet argent est dans les caisses. Est-elle empruntée ? Auprès de qui ? Pour combien de temps ?? Tout cela reste flou.
Mais voici un schéma provisoire des frais :
Conseil Régional....................................1 269 millions d’euros
Conseil général Hte Garonne...................948 millions d’euros
Grand Toulouse........................................702 millions d’euros
Conseil général Tarn et Garonne …............39 millions d’euros
Grand Montauban .....................................33 millions d’euros
Le chantier, s’il était entrepris, serait terminé à l’horizon de 10 ans. D’ici là, quelle sera l’inflation ? Quelles seront les sommes à rajouter. Nul ne le sait. Aujourd’hui, nous en sommes à près de 3 milliards et l’Aquitaine est sollicitée pour autant voire plus. Voilà comment on arrive à une somme de 7,8 milliards aujourd’hui pour la ligne Toulouse Bordeaux, soit une augmentation de 169 % par rapport aux calculs de 2005.
On comprend mieux la manœuvre perpétrée par nos élus régionaux le 17 décembre et à huis clos : la commission permanente a voté à l’unanimité, sauf EELV, le dépeçage du plan rail pour les TER, afin d’en mettre une partie dans le panier percé de la LGV. La somme de 100 millions a été subtilisée pour différents besoins et en particulier l’achat du foncier pour le
passage de la ligne, ce qui est illégal, pour plusieurs raisons : ce projet n’a pas été entériné par le Ministère des Transports, le Financement n’est pas assuré et l’enquête publique n’a pas eu lieu.
Mais si on voulait toujours respecter la loi, on ne ferait rien n’est-ce
pas ? Selon M. Marziani (délégué au transports du Conseil régional) les sommes transférées du plan rail seraient aussi utilisées pour mettre à 4 voies la portion Toulouse/St Jory sur laquelle passeraient les TER en attendant qu’y passe l’hypothétique TGV.
M. Yves Crosset qui fait partie de l’administration de RFF précise dans la revue « Millénaire » une intéressante remarque : « D’un côté, le monde des chercheurs de mon laboratoire constate que les effets structurants des infrastructures seraient en fait beaucoup plus faibles que prévu et qu’il ne fallait pas rêver sur les impacts en terme d’emplois ou de gain de PIB. De l’autre côté, le monde de la décision publique a continué et CONTINUE encore à raisonner comme si une infrastructure de transport (canal, auto-route, TGV) était une corne d’abondance qui allait déverser sur le territoire tous les bienfaits que l’on peut imaginer »
Illustration
Le cas de Vendôme sur la ligne Bordeaux-Tours
– Promesse de 5.000 emplois en 1991
– Zone créée : 152 ha
Surface équipée : 56,6 ha
Surface en friche : 80 ha
Etablissements créés : 10
Salariés : 419 .. ; au lieu des 5.000 rêvés.
En 2005, on prévoyait 3 millions de voyageurs de plus par an : on n’en entend plus parler. En 2005 on prévoyait la saturation à court terme des lignes à cause de la multiplication des TER, des trains de marchandises. Les TER sont deux fois moins nombreux que prévu ; quant au fret, chacun sait que la SNCF le transporte surtout par... camions. La SNCF est le plus grand camionneur de France. Aujourd’hui RFF (Réseau Ferré de France) reconnaît que les lignes ne sont pas saturées, que toutes les prévisions se sont avérées surévaluées, mais persiste encore pour construire la LGV, enfant chérie des élus. Guillaume Pépy,
PDG de la SNCF affirmait il y a quelques mois : « Ce sont les élus qui veulent des TGV, ce n’est pas la SNCF ». M. Pépy a jeté un froid lors de la dernière réunion sur le sujet des différents acteurs : le coût du tronçon Tours/Bordeaux sera de 10 milliards et non de 7 milliards comme prévu. C’est vrai que des espèces de tritons « militants » mettent des bâtons dans les rails... Ah ! La nature qu’il faut respecter, « ça va commencer à bien faire » !
Devant tant d’aléas, Mr le Ministre des transports F. Cuvillier, hésite, Mr le Ministre du Budget (J. Cahuzac) calcule, Mr le Président de la République louvoie, MM Malvy et Rousset s’agitent. Toulouse et Bordeaux cependant ne se portent pas si mal. Bien sûr il y a des difficultés comme ailleurs, mais ce ne sont pas les milliards jetés par la fenêtre d’un wagon à grande vitesse qui scelleront l’avenir radieux de la cité des violettes.
Si on veut succomber à la tentation de la vitesse et en même temps concurrencer l’avion (un prétexte au projet TGV), rénovons les lignes existantes, supprimons les 120 passages à niveaux accidentogènes, gardons précieusement nos belles terres nourricières, pensons à nos descendants, eux auxquels nous léguons de maigres retraites et d’immenses dettes : ils nous remercieront.
LA RAISON, COMME LE COEUR, COMMANDENT DE RENOVER LES LIGNES EXISTANTES.