L’association Zéro Waste Toulouse a réalisé un excellent rapport dans le cadre du projet de rénovation / reconstruction de l’incinérateur de Toulouse.
Nous vous en proposons ci-dessous une synthèse.
Le rapport est téléchargeable sur le site de Zéro Waste Toulouse
Historiquement, l’incinération est, depuis 1928, le principal mode de traitement des déchets produits par les habitants de l’agglomération toulousaine. L’incinérateur du Mirail, exploité par la société SETMI, fonctionne en continu depuis 53 ans et arrive maintenant en fin de vie. Il va devoir être entièrement rénové ou reconstruit dans les prochaines années. Etant donné le coût envisagé pour ce projet (185 à 350 millions d’euros), le syndicat de traitement des déchets DECOSET, qui en assure la gestion, va devoir organiser une phase de concertation publique quant à son avenir.
Ce projet représente une très bonne opportunité pour remettre en question le mode de gestion actuel des déchets sur l’agglomération toulousaine, en proposant un scénario alternatif basé sur une réduction importante des déchets destinés à l’incinération.
– Focus Pollution
Le Code de l’Environnement définit le cadre réglementaire dans lequel s’inscrivent les activités de traitement des déchets telles que l’incinération et oblige notamment les incinérateurs à respecter un « principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ». En accord avec ce principe, les normes d’émissions polluantes appliquées aux incinérateurs ne sont donc pas uniquement déterminées par des considérations de santé publique mais plutôt le fruit de compromis entre la nécessité de protéger la population de la pollution qu’ils génèrent et la faisabilité technique et économique des mesures de protection. Les normes d’émissions évoluent ainsi en fonction des connaissances en toxicologie et des évolutions technologiques mais aussi de l’acceptabilité sociale des risques liés à l’exploitation de ces unités de traitement.
Le fait que l’incinérateur de Toulouse respecte les normes d’émission en vigueur n’implique donc pas qu’il ne soit pas polluant, cela signifie simplement qu’il utilise les meilleures techniques disponibles à l’heure actuelle pour réduire la pollution qu’il émet à un coût acceptable.
Par exemple, parmi les 11 incinérateurs avec les plus importantes capacités d’incinération en France, celui de Toulouse est, de loin, celui qui émettait le plus d’oxydes d’azote en moyennes journalières en 2020, avec 188 mg/Nm3 contre 73 mg/Nm3 pour celui de Nice, deuxième de ce classement. Or l’ensemble de ces incinérateurs respectait, cette année-là, les valeurs limites d’émission qui leur étaient imposées par leur arrêté préfectoral respectif, celles de Toulouse étant fixé à 200 mg/Nm3 contre 70 à 80 mg/Nm3 pour tous les autres.
Le respect des normes d’émission n’est donc pas un indicateur d’absence de pollution. Dans les faits, même si la pollution liée à l’incinération a diminué, elle est encore loin d’être négligeable. La réalité est que l’incinérateur constitue une source d’émissions polluantes directes et indirectes, dues aux nombreux rejets qu’il génère dont certains qui vont continuer à émettre de manière diffuse dans l’environnement pendant de très nombreuses années.
– L’incinérateur
Construit en 1969, en même temps que le nouveau quartier du Mirail, l’incinérateur a vu sa capacité augmenter progressivement jusqu’à atteindre 285 000 tonnes en 2007.
La Métropole de Toulouse produit 80 % des déchets envoyés à l’incinérateur et détient 66 % des voix au Conseil Syndical de DECOSET.
L’incinérateur génère de nombreux rejets plus ou moins toxiques dont principalement des rejets gazeux (CO2, oxydes d’azote, …) et des rejets solides (mâchefers, REFIOM Résidus d’Épuration des Fumées d’Incinération des Ordures Ménagères, …).
La chaleur issue de l’incinérateur permet de chauffer les logements de plusieurs quartiers alentours à travers des réseaux de chaleur. La chaleur ainsi produite ne constitue pas une énergie renouvelable mais une énergie de récupération.
Même si l’alimentation de réseaux de chaleur permet de tirer des bénéfices de l’incinération, cela ne doit pas constituer un argument pour maintenir la capacité de l’incinérateur. Le détournement des déchets par prévention, réemploi ou recyclage s’impose avant d’envisager les incinérer, et ce, même s’il est possible d’en retirer de l’énergie.
– Gestion des déchets
Les déchets incinérés sont principalement des OMR (ordures ménagères résiduelles) et le tout-venant incinérable des déchetteries (83 %), ainsi que les Déchets Industriels Banals des entreprises (15 %).
Les déchets incinérés proviennent à 59 % de la Métropole de Toulouse, 24 % de l’extérieur de DECOSET et 15 % des entreprises ;
Les capacités d’incinération de DECOSET sont surdimensionnées puisque sur les 481 000 tonnes de déchets incinérées en 2020, 118 000 tonnes provenaient de l’extérieur du territoire de DECOSET, soit 25 %.
Les deux incinérateurs gérés par DECOSET représentent la moitié des capacités régionales d’incinération, alors que le syndicat ne représente que 15 % des habitants de la Région.
Beaucoup de collectivités en charge du traitement des déchets dans la Région comptent sur les incinérateurs de DECOSET pour traiter leurs déchets une fois que leur centre d’enfouissement aura fermé.
– Réglementation des déchets
Au regard de la hiérarchie des modes de traitement, l’incinération avec valorisation énergétique ne devrait être considérée que comme une solution de dernier recours pour traiter les déchets, une fois que tout a été mis en œuvre en amont pour éviter de les produire, puis les réutiliser ou les réparer et, si nécessaire, les recycler.
La loi AGEC a instauré une obligation de diminuer de 15% des quantités de déchets ménagers et assimilés produites par habitant en 2030 par rapport à 2010, ainsi que l’obligation pour les collectivités d’atteindre 55 % de déchets réutilisés ou recyclés en 2025, puis 60 % en 2030 et 65 % en 2035.
Le passage à l’extension des consignes de tri est obligatoire en 2022 et la généralisation du tri à la source des biodéchets en 2024. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire prévoit la fin progressive de tous les emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040.
Selon le PRPGD (Plan Régional de Prévention et Gestion des Déchets) d’Occitanie, la capacité régionale actuelle d’incinération est suffisante au regard des objectifs de prévention et de recyclage du plan.
Le PRPGD autorise les transports de déchets depuis d’autre départements vers l’incinérateur dans une logique de coopération entre collectivités.
L’Union Européenne a sorti l’incinération de sa taxonomie verte en considérant qu’elle portait atteinte aux objectifs de l’économie circulaire, ce qui pourrait compliquer le financement de projet de construction ou rénovation d’incinérateur.
– Analyse financière
Le coût complet du service public de prévention et de gestion des déchets de la Métropole de Toulouse s’élève à 106 076 000 € par an, soit 132 €/hab. L’essentiel des dépenses est consacré à la collecte (49%) et au traitement (34%) des déchets.
Le budget alloué à la prévention des déchets est de seulement 680 000 €, soit 0,6 % du budget total consacré à la gestion des déchets, cela correspond pour l’essentiel au budget du Plan de Prévention des Déchets de la Métropole.
Malgré les résultats substantiels de la politique de réduction des déchets de la Métropole (-22 kg entre 2012 et 2017) et le fait que son budget prévention des déchets soit déjà très faible, celui-ci s’est vu diminué régulièrement depuis 2012.
Les capacités d’incinération de DECOSET ont été délibérément surdimensionnées afin de vendre un service d’incinération de leurs déchets à d’autres collectivités et ainsi réduire la facture des Toulousains. Avec cette vision uniquement économique de l’incinération, DECOSET se comporte comme une entreprise cherchant à maximiser ses profits au détriment du bien-être de la population et de l’environnement .
En dépit de la part importante du budget qui lui est consacré, le traitement des déchets par incinération ne permet de créer qu’un nombre très faible d’emplois comparativement à des politiques de prévention et de valorisation des déchets qui devraient pourtant être prioritaires.
– Déchets de Toulouse métropole
La majeure partie des ordures ménagères est constituée de déchets putrescibles ou biodéchets (30%). Ce sont même 39% des OMR qui seraient potentiellement compostables si on y inclut les papiers sanitaires souillés.
81 % des OMR générées par chaque habitant toulousain en 2020 auraient dues être valorisées au lieu d’être incinérées, pour respecter la hiérarchie des modes de traitement.
Le taux de valorisation matière de la Métropole de Toulouse est très éloigné de ses objectifs réglementaires et devra doubler d’ici 2030. Des efforts considérables vont devoir être déployés pour détourner ces déchets de l’incinération.
Les déchets produits par les Toulousains sont en légère baisse depuis 2010, en partie grâce aux actions de réduction des déchets mises en place. Il est donc possible de poursuivre et d’amplifier cette diminution à condition de s’en donner les moyens.
– Prévention des déchets
Nous estimons que l’augmentation massive du budget alloué à la prévention des déchets permettrait de diminuer de 22 500 tonnes (soit 26 kg/hab./an) la quantité d’OMR produites sur le territoire de la Métropole, grâce aux actions suivantes :
• Diminution de 5 000 tonnes du gaspillage alimentaire par la mise en place d’actions dans tous les établissements scolaires et médico-sociaux, la relance du dispositif Gourmet Bag auprès des restaurateurs et la sensibilisation des ménages ;
• Diminution de 2 500 tonnes d’emballage et vaisselle à usage unique grâce à la mise en place d’une obligation de recourir à de la vaisselle et des contenants réemployables sur tous les évènements culturels et sportifs organisés par la Métropole ainsi que tous ceux nécessitant une autorisation d’occupation de l’espace public ;
• Réduction de 10 000 tonnes de la production de déchets grâce aux actions de sensibilisation du grand public et à l’émergence de nouveaux produits et de nouvelles habitudes de consommation, tels que : l’achat en vrac, la consigne, la réparation, l’achat de seconde main, … ;
• Diminution de 2 000 tonnes des déchets produits par les services de la Métropole et de ses communes adhérentes grâce à des formations et la mise en place d’actions de réduction en interne ;
• Encourager l’émergence de comportements éco-responsables en entreprises à travers la diffusion de bonnes pratiques, le développement d’offres de services plus écologiques et des incitations financières voire des sanctions si nécessaires, ce qui pourrait permettre de réduire de 3 000 tonnes le gisement des déchets d’activité économiques collectés par la Métropole.
– Bio déchets
Nous estimons qu’il est possible de détourner 50 000 tonnes de biodéchets (soit 59 kg/hab./an) des OMR en 2030, grâce aux actions suivantes :
• 16 000 tonnes de biodéchets (soit 19 kg/hab./an) pourraient être gérés localement grâce au déploiement du compostage de proximité (individuel et partagé) d’ici 2030. Ce chiffre est en cohérence avec le Plan Biodéchet de la Métropole qui prévoit entre 11 000 et 13 000 tonnes de biodéchets détournés par compostage en 2026 ;
• 34 000 tonnes de biodéchets (soit 40 kg/hab./an) pourraient être détournés à travers une collecte séparée en porte-à-porte, les biodéchets pouvant ensuite être traités en compostage ou méthanisation et la matière obtenue (compost ou digestat) épandue par la suite sur des surfaces agricoles. Ce chiffre est supérieur à celui indiqué par Toulouse Métropole (entre 5 000 et 20 000 tonnes en 2026), mais en accord avec l’étude de l’ADEME sur les collectivités ayant mis en place une collecte séparée en porte-à-porte qui indique un ratio moyen de 43 kg/hab./an de biodéchets collectés, même en environnement urbain.
– Déchets recyclables
Nous estimons qu’il est possible de détourner 31 000 tonnes de déchets recyclables (soit 36 kg/hab./an) des OMR vers des filières de recyclage d’ici 2030, grâce aux actions suivantes :
• 5 000 tonnes de verre supplémentaires (soit 6 kg/hab./an) pourraient être captées en améliorant le maillage de colonnes aériennes sur le territoire ce qui permettrait de faciliter le geste de tri ;
• 4 000 tonnes de textiles supplémentaires (soit 5 kg/hab./an) pourraient être collectées, là aussi en améliorant le maillage en bornes Point Relais mais également à travers des partenariats avec les magasins de vêtements et les grandes surfaces ;
• La mise en place de l’extension des consignes de tri à partir de 2023 devrait permettre de capter 5 000 tonnes d’emballages supplémentaires (soit 6 kg/hab./an) ;
• Un déploiement plus large de la redevance spéciale auprès des professionnels inciterait ceux-ci à mieux trier leurs déchets et pourrait ainsi permettre de détourner 5 000 tonnes de déchets vers des filières de recyclage, tout en augmentant les recettes de la Métropole ;
• Le déploiement de corbeilles de tri dans tous les bâtiments administratifs de la Métropole et sur l’ensemble de l’espace public pourrait permettre de capter 2 000 tonnes de déchets recyclables qui ne sont pas triés actuellement ;
• Enfin le déploiement d’agents chargés de la sensibilisation en même temps qu’une vaste campagne de communication pourrait permettre de détourner 10 000 tonnes de déchets recyclables de l’incinération.
- Tarification incitative
L’expérience montre que les collectivités qui obtiennent les meilleures performances de réduction de leurs OMR sont celles qui ont déployé de nombreuses solutions de réduction des déchets en amont de la mise en place de la tarification incitative afin de permettre à leurs habitants d’agir concrètement pour réduire leur facture. En effet, la tarification incitative n’est pas une solution de réduction des déchets en elle-même, mais sert plutôt à encourager l’adoption de bonnes pratiques pour éviter la production de déchets ou leur traitement local.
Nous avons donc estimé que la tarification incitative permettrait d’atteindre les objectifs présentés en ce qui concerne la prévention des déchets, les biodéchets et les déchets recyclables.
En plus de ceux-ci, nous estimons que l’adoption de la tarification incitative pourrait permettre de détourner 16 500 tonnes de déchets recyclables (soit 19 kg/hab./an) vers les bonnes filières de tri en déchèterie. A l’heure actuelle, par manque d’information, de moyens de transport ou par facilité, de nombreux objets potentiellement réemployables ou recyclables finissent incinérés alors qu’ils devraient être envoyés en déchèterie, comme les piles, équipements électroniques, produits dangereux, mobilier, ferraille, objets en bois, … De nouvelles filières vont d’ailleurs être mises en place prochainement pour le matériel de jardinage, de sport, les jouets et les objets encore utilisables qui pourront être déposés dans des zones de réemploi ou recyclage.
– Diminution de la production de déchets de la Métropole de Toulouse
Au moins 80 % des déchets envoyés à l’incinération pourraient être détournés si la hiérarchie des modes de traitement était respectée.
Le nombre d’habitants ou le nombre de nouveaux arrivants chaque année reviennent souvent dans les arguments de la Métropole pour justifier ses mauvaises performances en termes de réduction des déchets ou de taux de recyclage. Pour chacun de ces arguments, il est cependant toujours possible de trouver des exemples de collectivités en France ou à l’étranger qui, malgré les mêmes contraintes, ont pourtant réussi à atteindre de bien meilleures performances que Toulouse après avoir mis en place des actions exemplaires. Ce qui manque à Toulouse pour dépasser ces mêmes obstacles, c’est la volonté politique de s’attaquer réellement au problème.
La période de 7 à 8 ans qui s’annonce est largement suffisante pour engager une politique de réduction des déchets ambitieuse qui permettrait de diminuer massivement la quantité de déchets envoyée à l’incinération.
– Capacité de l’incinérateur
La réduction de capacité doit se faire à l’échelle des 2 incinérateurs.
Le scénario prévoit de passer de 2020 à 2030 de 287 à 177 000 tonnes de déchets envoyés à l’incinérateur de Toulouse et de 194 à 121 000 tonnes à Bessières. En détournant alors 73 000 tonnes sur Bessières (qui en aurait encore la capacité), on pourrait envisager de fermer 2 fours sur 4 au Mirail.
La question de l’incinération des déchets est évidemment indissociable de la question de leur production. En tant qu’unité de traitement de déchet, les incinérateurs sont encore nécessaires, à l’heure actuelle, pour traiter les quantités de déchets produites. Mais un certain nombre d’obligations réglementaires s’appliquent qui devraient normalement faire de l’incinération, même avec valorisation énergétique, une solution de dernier recours, une fois que tout a été mis en œuvre en amont pour éviter de produire des déchets, puis pour les réutiliser ou les réparer et, si nécessaire, les recycler.
Or l’incinération reste actuellement le principal mode de traitement des déchets sur l’agglomération toulousaine alors que, dans le même temps, les objectifs de valorisation actuels ne sont pas atteints et il est à craindre que les échéances à venir ne soient pas non plus respectées. L’évolution démographique est un argument récurrent de la Métropole pour expliquer ces mauvaises performances mais le très grand nombre d’exemples détaillés dans ce rapport montre que l’on a surtout affaire ici à un manque de volonté politique.
L’incinération des déchets a toujours offert un moyen facile de faire « disparaître » les déchets tant qu’on ne se souciait pas trop des ressources qui étaient ainsi détruites et que l’on n’était pas trop regardant sur les rejets générés. De plus la valorisation énergétique de la chaleur produite à travers les réseaux de chaleur urbains permet de tirer des bénéfices de l’incinération.
La politique de gestion des déchets actuelle de la Métropole est la conséquence directe des choix d’investissements réalisés il y a plusieurs dizaines d’années. Une fois que des équipements tels que l’incinérateur ou les réseaux de chaleur sont en place ils enferment la collectivité dans le système en place a minima le temps de leur amortissement. La Métropole de Toulouse est dépendante de l’incinérateur pour fournir de la chaleur à un grand nombre de logements et ne peut donc pas se permettre de trop diminuer la quantité de déchets incinérée.
La fin de vie de l’incinérateur est une opportunité unique de revoir la politique de gestion des déchets de la Métropole et sa dépendance envers l’incinérateur. C’est également l’occasion de se rendre compte du coût réel de l’incinération et des montants alloués à la prévention des déchets qui sont ridiculement faibles en comparaison.
La Métropole de Toulouse n’a pas pris le virage de la prévention des déchets. À l’heure de l’urgence climatique, elle ne peut plus se permettre des demi-mesures et doit agir de manière massive pour réduire ses déchets. Elle ne peut surtout pas se permettre d’investir des centaines de millions d’euros dans une unité de traitement dont elle deviendrait dépendante pendant encore des dizaines d’année. La production des déchets n’est pas une fatalité et leur prévention ne devrait plus être le parent pauvre mais bien le cœur de la politique de gestion des déchets de la Métropole.